Des fois je découvre le film pendant le montage parce qu’avant le tournage je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver et ensuite pendant le tournage du film, ça va trop vite. Le film final c’est mon apprentissage, ce que j’ai appris en choisissant de faire ce film……..Je n’ai pas tourné ce film pour qu’il soit anti-Trump, mais le film l’est devenu car le maire est pour toutes les choses que refusent Trump. Je ne crois pas avoir fait un film à la gloire de Marty Walsh mais tout le monde fait immédiatement la comparaison avec le président et du coup peut-être que ça peut donner cette impression là. Moi j’ai filmé un homme que je respecte car il essaie. Il ne réussit pas tout son programme, mais il est toujours dans une médiation, une négociation, un dialogue avec les citoyens….https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/par-les-temps-qui-courent/frederick-wiseman-le-vrai-film-est-toujours-entre-la-situation-specifique-et-l-abstraction-5317669
ÉCRIRE LA VILLE: par Sylvain Blandy
Avec City Hall, notre film du mois, Frederick Wiseman revient à une approche qu’il affectionne, l’examen d’une institution, après avoir sondé un territoire dans Monrovia, Indiana. Mais c’est une institution d’un genre particulier puisqu’elle entretient un lien étroit avec un lieu, la ville de Boston, Massachusetts, qu’elle a pour fonction d’administrer. Une ville dans laquelle Wiseman a grandi et qui se présente comme la parfaite antinomie de Monrovia : métropole métissée vs. bourgade rurale, Amérique bleue vs. Amérique rouge, agglomération en plein essor vs. région en déclin. Il est tentant d’appréhender ces deux films, tournés l’un et l’autre sous la présidence Trump, comme un diptyque de circonstance : à l’auscultation d’un corps malade, Wiseman oppose l’expression de la vitalité démocratique de la vieille cité. De façon éloquente, le premier film s’achevait sur une oraison et une mise en bière, quand le second se referme sur la réinvestiture de Marty Walsh, le maire démocrate de Boston.Ici, examiner la gestion d’une municipalité revient moins à rendre compte minutieusement du travail des agents publics, de l’organisation d’une administration ou de la mise en œuvre effective des politiques locales, qu’à mettre en scène le discours que l’institution porte sur elle-même. Plus encore que des délibérations collectives, Wiseman donne à voir des prises de parole individuelles, quoique publiques, qui lorsqu’elles n’ont pas une visée pédagogique (la présentation du budget, soit la matière brute dans laquelle la nouvelle équipe devra tailler), ont tout de la profession de foi. On songe, par exemple, aux interventions du maire, qui témoignent d’un art tout américain du storytelling, consistant dans son cas à relier constamment les situations traversées par ses administrés avec des épisodes de sa propre vie pour en tirer des leçons à valeur générale. Cette manière naïve de « mettre en récit » les enjeux de société rencontre subtilement chez Wiseman l’horizon de la démocratie, dans la mesure où elle consiste au fond à rapprocher et à tisser ensemble des éléments hétérogènes pour les intégrer à la prise de décision…..https://www.critikat.com/panorama/editoriaux/city-hall-de-la-democratie-en-amerique/

Cinéaste américain né en 1930 à Boston, Frederick Wiseman est diplômé en droit en 1954 à la Yale Law School. Wiseman affirme dès son premier film documentaire, Titicut Follies en 1967, ses principes de base : l’absence d’interviews, de commentaire off et de musiques additionnelles. Le montage, qu’il effectue lui-même, est une étape importante du processus de création de ses films et dure en général 12 mois. Son œuvre compose un portrait mosaïque de la société contemporaine, des États-Unis, de la France et de leurs institutions. Une véritable conscience du politique traverse cette œuvre essentielle que l’on peut sans aucun doute considérer comme « un seul et très long film qui durerait plus de 100 heures ».
Frederick Wiseman a également dirigé deux films de fiction La Dernière Lettre en 2002 et Un couple en 2022 ; il a aussi travaillé pour le théâtre. À Paris, il a mis en scène La Belle d’Amherst, pièce de William Luce sur la vie d’Emily Dickinson et deux pièces à la Comédie Française : Oh les beaux jours de Samuel Beckett et La Dernière Lettre, d’après un chapitre du roman de Vassili Grossman, Vie et Destin. Son film Welfare a été adapté au thèâtre par Julie Deliquet, spectacle qui a fait l’ouverture du festival d’Avignon 2023.
Frederick Wiseman a obtenu de nombreuses récompenses, parmi lesquelles figurent quatre Emmys, un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière au festival de Venise en 2014, ainsi qu’en 2016, un Oscar d’honneur de la part du Conseil des gouverneurs de l’Académie des arts et des sciences du cinéma américain. En 2021, il reçoit de la SRF le Carrosse d’or pour l’ensemble de sa carrière lors du festival de Cannes. Dès 1971 afin de se garantir une indépendance de création, il crée sa propre société de production et de distribution Zipporah Films.
(Source : La Cinémathèque du documentaire à la Bpi. Notice biographique mise à jour en juin 2024)
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