
1971. En pleine guerre du Vietnam, de jeunes conscrits et engagés volontaires s’entraînent sur la base militaire de Fort Knox, dans le Kentucky. Durant neuf semaines, ils apprennent le maniement du M-16 et de la baïonnette, les techniques de camouflage, la traversée d’une chambre à gaz et d’un champ de mines, les marches de nuit et le renforcement idéologique. De civils, ils deviennent des soldats.
Nouvelle version restaurée en 4K à partir du négatif image 16mm et du son original par Zipporah Films, avec la participation de la Bibliothèque du Congrès de Washington. Travaux de numérisation et d’étalonnage réalisés aux laboratoires DuArt et Goldcrest à New York. Étalonnage et restauration effectués par Jane Tolmachyov, sous la supervision de Frederick Wiseman et la direction de production de Karen Konice
Avis de SensCritique
Première immersion dans le registre militaire pour le documentariste Frederick Wiseman, bien avant Sinai Field Mission (1978), Manoeuvre (1979) ou encore Missile (1988). Pour cette première incursion, il a posé sa caméra au sein de la base militaire de Fort Knox, dans le Kentucky.
Le temps d’un été, le réalisateur a suivi une compagnie de conscrits durant 9 semaines pendant lesquelles on découvre à leurs côtés, le cycle de formation de base auquel ils vont être confrontés où comment de banals civils vont être amenés à devenir des soldats. Du maniement du M-16 en passant par la baïonnette, à la présentation de la mine Claymore (mine anti-personnel) jusqu’à l’utilisation de gaz irritant pour expliquer aux novices l’utilité du masque M-17 (qui protège contre les agents chimiques), tout nous est montré et on comprend rapidement que les nouvelles recrues ne seront pas brossées dans le sens du poil. (Renger le 02 novembre 2021)

PODCAST CONFÉRENCE (1987) À ÉCOUTER SUR FRANCE CULTURE
Wiseman est un cinéaste en retrait dans ses films mais un commentateur prolixe de son art. Sa présence en creux et sa parole en marge en font un auteur décentré. Comment remettre en perspective l’œuvre et le discours de la méthode ?
Conférence « Rencontre autour du cinéma de Frederick Wiseman », animée par Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse.
Intervenants : Zachary Baqué, maître de conférences en civilisation américaine, et Vincent Souladié, maître de conférences en études cinématographiques (Université Toulouse Jean Jaurès).
Présentation de Frederick Wiseman et de son cinéma | extraits
par Arnaud Hée, programmateur du cycle « Frederick Wiseman, nos humanités » présenté en 2024 et 2025 à la BPI Centre Pompidou à Paris
« Le style cinématographique de Frederick Wiseman est en place dès les premiers films : pas d’entretien (à l’exception d’un, encore plus notable, dans « Primate »), pas de commentaire. Le montage fait dialoguer des séquences entre elles, par contraste, par contrepoint, formant une mosaïque.
Le fait qu’il n’y ait pas d’autres repères chronologiques que le présent du tournage représente une autre singularité. Ce présent perpétuel n’est pas devenu une lointaine archive, il a plutôt fini par constituer un perpétuel présent dont il émane en 2024 une troublante pertinence sociétale et politique.[…]
Il convient d’insister sur quelque chose qui n’est pas du tout assez dit de son cinéma, sans doute masqué par la force des “sujets” et du propos : un appétit formel jamais rassasié, une immense expressivité visuelle, une intense sensibilité pour les visages, les corps – statiques ou en mouvement -, pour les paysages, les lumières.
Frederick Wiseman n’est pas un discoureur, il est un formaliste, de l’image, de la mise en scène, du montage bien entendu, mais aussi du son.
Si ce formalisme se trouve peu mis en valeur, c’est sans doute qu’il ne se place jamais au-dessus des films, ne s’impose pas à eux, mais se déploie avec une constante justesse. […]
Impressionnante par sa cohérence, l’œuvre entière est toujours prise dans un mouvement, elle s’ouvre notamment à d’autres typologies spatiales, d’autres échelles (« Canal Zone », « Racetrack », « In Jackson Heights »), d’autres horizons sociaux (« Model », « The Store »), d’autres géographies (la France bien sûr, dont il filme régulièrement depuis les années 1990 des lieux emblématiques d’art, de culture et de spectacle).
Bien commode, le titre de “cinéaste critique des institutions” est à complexifier, certains films édifient en effet des éloges mettant en valeur des utopies concrètes, à travers lesquelles Wiseman délivre aussi des professions de foi politiques : « High School II », « Boxing Gym », « Ex Libris : The New York Public Library », « City Hall » […]
Quelque chose d’étrange et d’assez unique se dégage de l’œuvre de Frederick Wiseman, résidant dans le fait que son meilleur commentateur n’est autre que son cinéma lui-même.
Les films disent de l’intérieur ce qui s’y joue, le formuler de l’extérieur revient à une réitération des images et des sons, forcément plus pauvrement mise en mots. Partant des moyens donnés par le cinéma direct (caméra et équipe légères, micros directionnels et son synchrone), il conteste l’idée de cinéma vérité en lui opposant celle de reality fiction.
Wiseman cherche à « pourvoir le réel d’une doublure », pour reprendre la formule de la critique Charlotte Garson.
En effet, cette œuvre ne vise surtout pas à se faire experte en sciences sociales ou à nous présenter un décalque de la réalité, mais, au contraire, à la faire basculer du côté de la théâtralité, de la fiction, du romanesque, avec des protagonistes souvent pris dans des situations et dimensions performatives. […]
Wiseman compose de film en film une fresque dédiée aux êtres qui peuplent la quarantaine de lieux explorés : grandeur et petitesse, ressorts et défaites, grâce et pesanteur, élévation et impuissance. Il s’agit aussi d’un théâtre d’une extraordinaire et permanente inventivité – mouvements, mots, gestes, langage.
Cet intitulé vient souligner l’inépuisable richesse d’une filmographie en forme d’encyclopédie de l’humain, par laquelle on cultive son regard, son esprit et sa pensée. On accède à une somme impressionnante d’expériences, de connaissances; fréquenter, arpenter cette œuvre, c’est “faire ses humanités”. […]
La comédie humaine wisemanienne s’écrit depuis 1967, avec une fascination pour les scènes et les coulisses où se déroulent les existences ordinaires. Elle naît d’une immense curiosité, d’un admirable entêtement, d’un humanisme empathique mêlé à un regard distancié et à une ironie mordante. Tout ceci est le moteur de la complexité du monde dont il rend compte si profondément, jusqu’au vertige.
Si les lieux et les êtres de cette fresque unique appartiennent à une géographie surtout étasunienne et occidentale, c’est pourtant bien une expérience universelle qui transite par eux.
Le métier de vivre est toujours singulier, mais il y a bien une seule et même espèce humaine dans le regard et l’écoute de Frederick Wiseman. »
FREDERICK WISEMAN : L’INTÉGRALITÉ DES FILMS ET UNE SÉLECTION DE LIVRES SONT À CONSULTER GRATUITEMENT AU CENTRE DE RESSOURCES DU LIEU DOCUMENTAIRE



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