Rencontre avec l’écrivain portugais José Saramago, âgé de 80 ans, à Lanzarote en Espagne où il vit. S’exprimant avec un mélange de sérieux et d’humour, il aborde successivement son rapport au passé, à l’écriture, à la langue portugaise, les personnages de ses livres, les traces et le temps. Sa femme (et traductrice) Pilar del Rio souligne l’engagement politique de l’écrivain, notamment auprès des « sans terre » du Chiapas, du Brésil.
La réalisatrice, Carmen Castillo, rencontre également le photographe Sebastiao Salgado avec qui José Saramago a publié un livre sur les paysans du Brésil. José Saramago retrouve le compositeur Azio Corghi à Rome avec qui il a travaillé sur plusieurs pièces de musique. Pour finir, il visite le musée Copernic à Rome et rencontre l’astrophysicien David Elbaz à qui il fait part de sa conception du temps.
C’est un beau portrait, un film sensible qui ressemble à son modèle et permet d’aborder, comme l’écrit la réalisatrice : « l’habitant de sa mémoire, de la mémoire de sa ville, de son pays et de sa langue, l’écrivain qui explore sans se lasser des traces laissées dans la pierre, dans le sol et dans les mots, par la succession des générations humaines, le conteur qui sait découvrir dans chaque vie anonyme, si grise qu’elle paraît, la richesse cachée d’une aventure singulière.

José de Sousa Saramago est un auteur et journaliste portugais. Il est le seul portugais à être décoré du grand collier de l’ordre de Sant’lago de l’Épée et reste jusqu’au jour l’unique auteur lusophone à avoir reçu le prix Nobel de littérature, en 1998, qu’ainsi le prix Camões en 1995.
Fils de José de Sousa et María da Piedade, un couple de paysans pauvres du Ribatejo, à Azinhaga. À l’âge de deux ans, Saramago émigra avec ses parents à Lisbonne afin qu’ils puissent gagner plus d’argent et ainsi jouir d’une certaine stabilité de vie.
A 25 ans, il s’essaie à l’écriture et publie son 1er roman « Terra do Pecado » (Terre du péché) en 1947. A partir de 1955, José Saramago commence à traduire en portugais les œuvres de Hegel et de Tolstoï. En même temps, il s’efforce de donner à son style une maturité suffisante pour avoir une chance de réussir dans le domaine. Malgré son talent, aucun éditeur n’ose commercialiser ses œuvres.
Après le rejet de son travail Clarabóia (La Lucarne), José Saramago a pris plusieurs années (10 ans) pour essayer à nouveau. Ce n’est qu’en 1966 qu’il s’essaye à Probablemente alegria et à sa publication suivante, un recueil de poèmes » Poesia completa » ( Les Poèmes Possibles). L’ouvrage suscitera la reconnaissance des éditeurs. Ce qui lui permettra de collaborer avec l’éditeur portugais Estúdios Cor.
Membre du Parti communiste depuis 1969, José Saramago a été partie prenante de la révolution des œillets, en 1974. Il devient numéro deux du Diaro das Noticias, plus tard au Diario de Lisboa où il est licencié un an après, quand les communistes sont vaincus. Il était le directeur adjoint et le commentateur politique. De 1975 à 1980, Saramago gagne sa vie comme traducteur.
Ce n’est qu’à 58 ans qu’il entre véritablement en littérature, avec son roman, « Levantado do chão » (Relevé de terre) paru en 1976. Mais, c’est « Le Dieu Manchot » qui lui donnera une véritable notoriété littéraire. Publié en France en 1987, ce roman a rencontré un succès international. Suivront « L’Année de la mort de Ricardo Reis », hommage à Fernando Pessoa publié en 1984, et « Le Radeau de pierre » en 1986. L’écrivain poursuit son travail sur le terrain historique avec « Histoire du siège de Lisbonne » en 1989.
José Saramago est décédé le 18 juin 2010 des suites d’une leucémie. Il avait 87 ans et avait commencé un nouveau roman dont il avait laissé un début de 30 pages.
Éléments bio-bibliographique empruntés à Babelio
Plus d’informations sur le site de la Fundação José Saramago.

Carmen Castillo est née le 21 mai 1945 à Santiago du Chili.
Historienne de formation, elle devient cinéaste en exil, à Paris, dans les années 80.
Militante du MIR chilien (Mouvement de la Gauche Révolutionnaire), elle travaille auprès de BeatrizAllende, fille du président Salvador Allende, au palais de La Moneda dès son arrivée au gouvernement en novembre 1970.
Un an après cette collabo ration, elle reprend à plein temps son travail de recherche et enseignement sur l’histoire contemporaine de l’Amérique Latine à l’Université Catho lique de Santiago. Elle vit ces années d’espoir de l’Unité Populaire dans l’intensité de l’engagement politique.
Suite au coup d’État de Pinochet, le 11 septembre 1973, elle passe à la clandestinité avec son compagnon Miguel Enriquez, chef de la résistance et du MIR.
Le 5 octobre 1974, à Santiago, leur maison de la rue Santa Fe est encerclée. Après un long combat, Miguel est tué. Carmen, enceinte, est blessée puis emprisonnée. Grâce à la solidarité internationale, elle sera expulsée du pays. Réfugiée politique en Grande Bretagne, elle choisit la France où elle s’installe en 1977.
Devenue française en 1982, elle écrit et réalise des films qui évoquent ses blessures
et ses convictions, la mémoire des vaincus et la joie de l’engagement politique, malgré tout.
Son film « Rue Santa Fe », sélectionné au Festival de Cannes en 1977, raconte le parcours de Carmen Castillo. Au-delà de son travail autour de la mémoire des vaincus au Chili, elle réalise des films ancrée dans le présent des luttes, comme « La Véridique Légende du sous-commandant Marcos » (coréalisé avec Tessa Brisac, 1995), consacré au sous-commandant Marcos, porte-parole du EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) au Mexique. Il y relate les origines du mouvement, sa lente métamorphose au contact de la culture indienne et la décision du soulèvement du 1er janvier 1994.
En dehors de documentaires autour de la musique, elle commence sa quête du pays perdu, le Chili, dans le désert d’Atacama, auprès de Sylvie Blum. En 2003, elle réalise « José Saramago : le temps d’une mémoire » (2003), où elle dessine un portrait de l’écrivain portugais. Il évoque son rapport au passé, à l’écriture, à la langue portugaise, à la musique, ainsi que son engagement politique, notamment auprès des « sans terre » du Brésil.
En 2019, Carmen Castillo a obtenu le prix Charles Brabant (SCAM) pour l’ensemble de son œuvre.
Bibliographie sélective
« Ligne de fuite », éditions Bernard Barrault, 1988
« Un jour d’octobre à Santiago », éditions Bernard Barrault, 1988
« Santiago-Paris, le vol de la mémoire », coécrit avec sa mère Mónica Echevarría, éditions Plon, 2002
Portrait de Carmen Castillo par Anne Chaon dans le n°54 de la revue « Astérisque » de la SCAM