Avril 1990 : conférence de Serge Daney aux Rencontres organisées par le CRAC de Valence, autour des événements en Roumanie et de leur traitement télévisuel. Que dire du traitement médiatique de la révolution roumaine qui vient d’avoir lieu, des réactions qu’il a suscité, entre adhésion et totale méfiance ? Le montage insère extraits de films – notamment La Voce della luna de Fellini (1990) – et interviews de Godard, pour mieux étayer les analyses de Daney.
Où se placer, d’où parler, lorsque le sujet est aussi grave que la révolution roumaine, ses procès “douteux”, ses charniers “exagérés” ? Daney tente ici de définir la situation des médias au terme de plusieurs évolutions, après qu’au moins “six boucles furent bouclées”, selon ses propres termes : boucle du cinéma moderne qui avec Rossellini a installé le spectateur dans une position quasi exclusive de témoin des événements ; boucle de la pédagogie des images telle que pratiquée par Godard seul, avant qu’elle ne s’impose ; boucle politique, ou comment la télé a fini de s’émanciper de la tutelle étatique pour mieux s’inféoder à l’économie ; boucle du communisme ; boucle au terme de laquelle l’acte seul est ressenti comme une information intéressante, au détriment de la pédagogie sus-décrite ou de la réflexion ; boucle enfin d’un monde désormais concrètement disponible, où les images viennent avant qu’on les désire, où le désir est condamné à la satisfaction.
(Mathieu Capel)
