Prague 2018, des ouvriers retrouvent des bobines dans un entrepôt. Ce sont les images du Procès Slansky, 1952, macabre mise en scène stalinienne où quatorze dignitaires communistes accusés de crimes imaginaires durent faire l’aveu de leur fausse culpabilité. Le film retrace la trajectoire de trois accusés, brisés par un monde qu’ils avaient contribué à édifier.
Extrait d’un article de Marie-Karine Schaub, Lisa Vapné
……En plus de monter en secret une affaire falsifiée de complot sioniste, le procès Slánský, au cours duquel la judéité des accusés est présentée comme si elle constituait leur seule identité – celle d’étrangers à la nation – est un moment d’expression d’un antisémitisme plus général dans la société tchécoslovaque – comme cela sera le cas en URSS pendant l’affaire dite des blouses blanches. C’est notamment sur la question de la répercussion du procès que nous avons voulu revenir au cours de cet entretien avec Françoise London, fille aînée d’Artur et Lise London.
Tout cela est montré admirablement dans le film de Ruth Zylberman Le Procès – Prague 1952 dont le titre nous renvoie inévitablement à l’arbitraire de la justice, à la brutalité bureaucratique et aux conditions de l’arrestation qui occupent les premières lignes du roman de Franz Kafka : « On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin »……
https://revue.alarmer.org/le-proces-de-prague-de-1952-entretien-avec-francoise-london/

Rudolf Slansky (2e en partant de la gauche) au procès de Prague.
© Cécile Marical.
À Prague, en 2018, des ouvriers retrouvent dans un entrepôt les images filmées du procès de Prague, sommet de la terreur stalinienne, monté de toute pièce en 1952 pour provoquer la chute de quatorze dignitaires communistes, Juifs pour la plupart, qui furent accusés de crimes imaginaires et contraints de faire l’aveu public de leur culpabilité.
À l’aide de ces archives exceptionnelles et d’une plongée dans les documents inédits de la police secrète, Ruth Zylberman retrace la trajectoire complexe de trois de ces hommes, Rudolph Slansky, Rudolph Margolius, Artur London, ces deux derniers, juifs et rescapés des camps nazis. Elle montre la paranoïa du régime contre ce qu’il prétend être un complot sioniste et anticommuniste.
Elle va aussi à la rencontre de leurs familles au destin brisé par la machine totalitaire et antisémite de l’URSS stalinienne, car stigmatisées et réduites à une survie minimale. Les filmer est une manière de voir au-delà des archives figées du procès, pour redonner à ces hommes matière et visages humains.



Marie Richeux reçoit la réalisatrice documentaire Ruth Zylberman à l’occasion de la sortie de son documentaire « Le Procès, Prague 1952 »,
Comprendre sans juger
« L’accès aux archives a été relativement simple puisqu’elles avaient déjà été mises en ligne par les archives nationales tchèques. Elles étaient donc consultables par tout le monde ce qui était un problème, parce que ce sont des archives compliquées historiquement. Elles comprenaient évidemment un ensemble de notes mais sans appareil critique très élaboré. De même, les archives papier étaient également numérisées. Donc, le matériel n’a pas posé de problème, ce qui était plus sensible, c’était d’aller voir les enfants des accusés, mais je voulais comprendre les trajectoires de leurs parents, ce qui c’était passé également pour eux. J’ai cherché un moyen de tirer les deux fils de cette histoire. »
Scruter des visages porteurs de toutes les hypothèses
« Au début, quand j’ai eu accès à ces archives, je ne les comprenais pas, et je regardais juste les visages. J’ai remarqué qu’ils étaient rarement filmés de face, afin qu’on ne capte pas leurs yeux : il ne fallait pas qu’on puisse avoir accès à l’humanité de ces hommes. Le travail de scrutation que j’ai fait et que j’espère, chaque spectateur va faire, est le processus du film. J’ai voulu qu’on regarde ces visages cachés, car c’est là que se passent toutes les hypothèses : la fidélité au parti, la peur, la crainte pour la famille et aussi la folie. »…… https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/par-les-temps-qui-courent/ruth-zylberman-cineaste-documentaire-et-ecrivaine-1683644
Ruth Zylberman est cinéaste documentariste et écrivaine. Ancienne élève de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Université de New York, elle a étudié l’histoire et la littérature. Elle a commencé dans le monde du documentaire en étant l’assistante du réalisateur Serge Moati avant de réaliser en 2002 son premier film, « Paris-Fantômes ». Son premier livre, « La direction de l’Absent » (2015) a été traduit en espagnol, allemand et anglais.
On citera parmi ses films « Dissidents, les artisans de la liberté » (2009), Prix Rendez-vous de l’Histoire du documentaire historique 2010, « Maurice Nadeau, le chemin de la vie » (2011), « Méditerranéennes : La Force des femmes » (2013). Elle raconte dans un documentaire pour Arte diffusé en juin 2018, « Les Enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris Xe », l’histoire pendant l’occupation d’un immeuble de cette rue et de ses habitants, dont un tiers étaient juifs. Ce film remporte le Pyrénées d’or du meilleur documentaire au Festival de Luchon en 2018 et la mention spéciale du Prix du documentaire historique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, la même année.

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