Sur les routes de Sicile, Benoit Felici filme des architectures laissées inachevées ces quarante dernières années et sur lesquelles la nature reprend progressivement ses droits. Certaines sont oubliées, trônant dans le paysage de façon insolite, d’autres réhabilitées. Par touches successives, le réalisateur témoigne de la poésie de ces ruines modernes et ébauche le portrait d’habitants qui ont toujours appris à vivre avec.
Ouvrant son film sur une citation du livre Le Temps en ruines de Marc Augé, Benoit Felici traduit d’emblée son goût pour les métaphores du fragment. Devant sa caméra, une série de projets ambitieux lancés par des politiciens désireux de marquer leurs mandats de ces imposantes constructions (stades, garages, hôpitaux, barrages, etc.) ne sont plus de simples architectures vernaculaires mais deviennent de véritables utopies. En ruines ou incomplètes (une piscine olympique abandonnée pour un mètre manquant aux 50 réglementaires), ces architectures sollicitent l’imaginaire et les désirs individuels ou collectifs. Elles racontent l’histoire d’un pays où chacun peut s’approprier leur caractère “en devenir”, à l’instar du projet L’Incompiuto siciliano qui propose de les faire vivre de façon inédite. Unfinished Italy invite à s’interroger : quelles traces laissons-nous ? Que reste-t-il des lieux que nous arpentons, des objets que nous utilisons après notre disparition ?
(Damien Truchot)