Structurée en chapitres (Saccades ; Cascades ; Les Deux Maisons), l’analyse de Stéphane Goudet commente et relie les différents choix de mise en scène de Mon Oncle (1958) de Jacques Tati. Une voix off vive et rigoureuse décrypte les motifs du film, aidée d’un chassé-croisé d’extraits de différentes œuvres de Tati, de références picturales (Goya, Toulouse-Lautrec) ou littéraires (Mythologies de Roland Barthes).
Dans Mon oncle, Jacques Tati oppose deux univers : celui de M. Hulot et celui de son beau-frère et futur employeur. Stéphane Goudet analyse les sons, les attitudes des corps dans le plan, les couleurs et les lignes qui contribuent à cette séparation. Le film fut soupçonné un temps de poujadisme. La modernité semble effectivement dénoncée par Tati avec la série d’oppositions tranchées entre le village de M. Hulot et le quartier résidentiel de son employeur ; « un village comme on en trouve plus depuis vingt ans et un quartier résidentiel comme on en trouvera dans vingt ans, » disait François Truffaut en 1958. Cependant, Stéphane Goudet démontre qu’il n’y a pas un refus de la modernité mais un dédain d’un monde ordonné, froid, réaliste, et un amour d’un monde imparfait, vivant, intime. Le rire devenant un refuge et une possibilité de faire naître la vie dans un monde froidement raisonnable ; M. Hulot passant d’un univers à un autre, lui « à qui le monde échappe et qui échappe au monde ».
(Florian Torrès)