Un enfant est tué par sa mère tous les 10 jours en France. Comment une maman, qui a porté, mis au monde, nourri, soigné, aimé son enfant pendant plusieurs années, peut-elle basculer jusqu’à commettre un tel acte, moralement insoutenable ? Des femmes nous livrent leur histoire, celle d’un long naufrage qui conduit au tabou ultime : l’infanticide. Leur témoignage est éclairé par leur entourage, des avocats, des psychiatres.
Ce film affronte avec pudeur l’inconcevable pour exposer les rouages d’un engrenage tragique. Il nous interroge tous : comment éviter que l’irréparable ne se produise ?
« Lorsque la tempête intérieure s’accentue au point que sa puissance devient insupportable, alors s’impose pour elles une seule décision : se tuer, et emporter les enfants avec elles. Hélène s’est pendue après avoir tué son fils de 4 ans ; Cécile a tenté de se suicider après le meurtre de son fils ; Christelle s’apprêtait à ôter la vie à ses deux filles avant de renoncer. À chaque fois, les mêmes mots reviennent : « Je n’avais pas le choix. » Qu’importe l’âge ou le milieu social, les récurrences surprennent lorsqu’il s’agit de comprendre les motifs des infanticides commis par des mères pourtant aimantes et fusionnelles, bien loin des monstres imaginés.
« Dans l’ombre de la femme qui tue, explique le psychiatre Mathieu Lacambre, il y a souvent un homme qui a participé aux violences ou qui n’a pas vu. » Viol, inceste ou violences conjugales émergent dès lors que les parcours de vie se révèlent. Rattrapées par leur souffrance, ces femmes perdent peu à peu pied, finissant par planifier le passage à l’acte. L’inéluctable s’enclenche…
D’une grande pudeur, ce documentaire livre un récit bouleversant de l’engrenage des infanticides, qui, selon un rapport ministériel, tueraient un enfant tous les dix jours en France. Désireuse de s’éloigner des faits criminels pour mieux en comprendre les causes, la réalisatrice et journaliste Sofia Fischer a contacté des dizaines de mères, la plupart encore en prison, dont les raisonnements frappent par leur similitude. Face caméra, les paroles de ces femmes, visages cachés ou invisibles, et de leurs proches modifient la perception d’un phénomène resté tabou tant il questionne la société, la toxicité des injonctions dictées aux mères, les manquements de notre système de santé et le poids des violences masculines. »
L’AVIS DE TÉLÉRAMA
« […] Excellant à recueillir leur parole comme à nous en favoriser la réception par une réalisation d’une grande finesse, Sofia Fischer, dont c’est le premier film, révèle la présence rarement pointée d’hommes violents dans l’histoire de ces femmes. Ce qu’attestent des avocats et un psychiatre également présents dans le documentaire.
Lors d’une séquence clé, la grand-mère d’une petite victime répond par un chapelet de « non » à la réalisatrice, qui lui propose de témoigner d’une violence qu’elle a subie. Son refus, qu’accompagne un sourire déchirant, éclaire éloquemment l’inscription de l’infanticide dans un contexte de domination masculine. Et réintègre dans le même mouvement ces femmes, souvent taxées de « monstruosité », au cœur de la communauté humaine.
Sofia Fischer y montre un talent rare, tant sa pratique du film de témoignage se distingue de ce qu’on peut en voir habituellement à la télévision. »
— François Ekchajzer, Télérama, extrait, 31 octobre 2025
Sofia Fischer a fait de son engagement pour la cause des femmes le moteur de sa vie professionnelle et intime. Au Monde et ailleurs, où elle travaille en tant que journaliste depuis huit ans, elle fait le récit des fractures de la société.
« Mères à perpétuité » est son premier film. Pendant trois ans, elle a traversé la France et écumé les parloirs pour entendre ces mères qui avaient tué leurs enfants. Pour mieux comprendre sa propre histoire, et celles de toutes ces femmes que la société ignore encore.
Mathias Desmarres est auteur et réalisateur de documentaires en Belgique depuis une dizaine d’années.
En 2024, il réalise pour la RTBF un film autour de l’affaire Geneviève Lhermitte, une mère infanticide qui a tué ses cinq enfants. C’est dans ce contexte que Sofia Fischer le contacte pour collaborer sur la partie belge de son projet « Mères à perpétuité ».
