Une famille comme les autres avec ses moments de joies, ses peines et ses secrets. Dominique Cabrera a filmé les siens pendant une décennie avec générosité et sensibilité.
« Il y a six ans, mon frère Bernard qui vit à Boston s’est marié. Nous trois, ses frères et sœurs, on est venu à son mariage, bien sûr, mais on n’a emmené ni les conjoints ni les enfants, pour des raisons de date, d’économie, je ne sais plus… ainsi nous nous sommes retrouvés en Amérique tous les quatre avec papa et maman comme quand nous étions enfants. C’était très heureux. J’avais apporté une petite caméra pour filmer le mariage et je me suis retrouvée à chroniquer la famille de notre enfance.
Et quand on est rentrés, j’ai voulu continuer. Je voulais regarder cela, la famille… Regarder leurs visages que j’aimais, que je détestais par moments, qui étaient inscrits en tout cas au plus profond de mon être. J’allais appeler ce film Ô heureux jours !, c’était les paroles d’une chanson qu’on avait chantée au mariage. Ils n’aimaient pas toujours que je les scrute ainsi, que je les photographie autant, que je les absorbe avec cette avidité. Alors, j’ai imaginé que je pourrais plus facilement les filmer dans les circonstances où c’était autorisé, même encouragé : les réunions rituelles de famille. Noël, Pâques, les vacances d’été, les anniversaires… C’était bien suffisant et même c’était mieux, parce que ce que je cherchais s’exprimait peut-être davantage à ces moments-là.
Une famille, une culture familiale, qu’est-ce que c’est ? De quoi c’est fait ? De répétitions, de liens, de transmissions et d’interdits, de souvenirs, de cuisine, de croyance, de violences, de secrets, de temps… Je les aurai finalement filmés pendant sept ans ! »
— Dominique Cabrera)

« Ce que j’aime dans le cinéma, c’est que le fait que l’on filme des êtres vivants et qu’on conserve leur image, leur être même plus que les images, leur trace, pour toujours. »
— Dominique Cabrera, réalisatrice.

Dominique Cabrera est née à Relizane, en Algérie. Après des études de lettres et de cinéma (IDHEC) en France, elle y retourne pour réaliser en 1991 son premier documentaire, sur des pieds-noirs devenus citoyens algériens : « Rester là-bas ». Puis elle s’intéresse aux banlieues dans « Chronique d’une banlieue ordinaire », puis « Une poste à la Courneuve » en 1994, qui évoque les rapports entre des agents du service public et les habitants de la cité des 4000.
L’année suivante, elle amorce son passage à la fiction avec son film « Demain et encore demain (journal 1995)« , suivi par « L’Autre Côté de la mer » avec Claude Brasseur et Roschdy Zem, Nadia et les Hippopotamesavec Ariane Ascaride et Thierry Frémont, puis « Le Lait de la tendresse humaine », et « Folle Embellie » en 2004 avec Miou-Miou et Jean-Pierre Léaud.
Elle adapte ensuite la série noire de Marc Villard « Quand la ville mord » et tourne « Ça ne peut pas continuer comme ça ! » une fiction politique librement inspirée de la crise de la dette. Elle réalise ensuite « Corniche Kennedy », l’adaptation du roman de Maylis de Kérangal, et, en 2013, elle sort « Grandir », son essai autobiographique multiprimé.
En 2019, en pleine crise des Gilets Jaunes et lors de la Marche contre les violences faites aux femmes, elle filme ces événements avec son téléphone portable et en fait deux courts documentaires : « Notes sur l’appel de Commercy » et « Je marche avec #NousToutes ».
Elle a réalisé Je ne lâcherai pas ta main, un court métrage à la mémoire des migrants disparus dans la Manche en novembre 2021 et a plusieurs projets documentaires et de fiction en production.
En 2023, elle réalise Bonjour Monsieur Comolli. Quelques mois avant sa mort, Jean-Louis Comolli et Dominique Cabrera se retrouvent pour quelques libres conversations avec Isabelle Le Corff. On parle du cinéma, de la vie, de l’amour, de la mort et du Chassagne-Montrachet. On rit. On sourit. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingts ans.
En 2025, son film « Le cinquième plan de « La jetée » est disponible sur Arte tv (jusqu’au 2 novembre 2025) avant de sortir en salles.
Par ailleurs, Dominique Cabrera a enseigné à Harvard, à la Fémis et à la Sorbonne et joué au cinéma pour Marie-Claude Treilhou, Antony Cordier et Élise Girard.
(Source :KuB [KulturBretagne]. Notice biographique mise à jour en août 2025)
+ Consulter l’ouvrage Dominique Cabrera – L’Intime et le Politique
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