Ce DVD contient les deux films suivants :
Entropie (2002)
Une jeune femme est réveillée en plein rêve par un robinet qui fuit. Lorsqu’elle se lève pour le fermer, les objets qui l’entourent se mettent à vibrer de manière surnaturelle. Elle cherche à comprendre, mais la voilà à nouveau transportée dans un rêve. Le film met en scène la danseuse et chorégraphe Emmanuelle Huynh dans une atmosphère insolite où tout semble soumis à la loi de l’entropie.
Toute chose se transforme au cours du temps, ainsi peut-on définir la loi d’entropie. Dans le film de Jérôme Thomas, rien n’est stable, rien n’est certain. Si la mise en scène est classique, ce court métrage déroute par l’absence de récit. Ce n’est pas non plus un « film de danse ». Ici règne une subtile ambiguïté. La frontière entre rêve et réalité s’est évanouie : l’eau qui coule dans la nuit s’infiltre dans le rêve, et le monde au réveil est agité d’étranges bruits. Dans cet univers flottant, les vibrations sonores dissimulent des rythmes, et la grâce contenue des gestes semble annoncer la danse. Mais cet entre-deux indéfinissable, pour inquiétant qu’il soit, n’est-il pas le propre de cet art du mouvement, par essence transitoire ? Ramenée à un degré d’incertitude, la danse retrouve ses origines : celles d’un jeu avec les éléments. La chorégraphie minimaliste de la dernière séquence le formule mystérieusement : écrasé au sol, en jouant avec la pesanteur, le corps parvient à s’élever.
(Sylvain Maestraggi)
Le Corps silencieux (2005)
Présenté dans le cadre de l’exposition Panorama 6 au Fresnoy en 2005, Le Corps silencieux, à mi-chemin entre la danse et l’expérimentation vidéo, explore certains états du corps. De la surface de la peau à la silhouette chancelante de danseurs fondus dans un désert blanc, ce court métrage abandonne le geste expressif pour accorder aux mouvements les plus infimes une mystérieuse densité.
Sans recourir à la narration, le film établit une tension entre deux espaces : l’un, plongé dans la pénombre, abrite l’intimité des corps ; l’autre, surexposé, semble voué à leur dissolution. Ici, les danseurs, le visage bandé comme des accidentés, se soulèvent avec peine puis sombrent dans la léthargie ; là, dos et torses nus apparaissent chargés d’une intensité frémissante. Fragmentés, démembrés, ces corps se fondent et se dédoublent par un jeu de surimpressions et de miroirs. Défaits de leur individualité, jusqu’à la confusion des sexes, ils redeviennent matière, pure étendue. Les lumières bleues et rouges qui les caressent y découvrent des paysages océaniques et des cratères de volcan, une texture sensible à perte de vue. Emmanuel Vantillard nous rappelle l’ambiguïté de ce corps à la fois sujet et objet, élément vivant et partie intégrante d’une nature dans laquelle il parvient au langage, et qui pourtant, comme elle, est silencieux.
(Sylvain Maestraggi)