Marguerite Duras filme « Agatha ou les lectures illimitées » en 1981 à Trouville. Un film sur le désir, sur l’inceste, un film irreprésentable, mais c’est ce paradoxe du cinéma qui l’intéresse et qu’elle exprime dans ce documentaire. Donner moins à voir qu’à penser. Elle est interviewée au début, au milieu et à la fin de ce tournage de quatre jours.
On la voit diriger Bulle Ogier et Yann Andréa, dans le hall des Roches noires, écouter des valses qu’elle a elle-même enregistrées au piano. On la voit lire – car si avant les livres il n’y a rien, avant les films il y a les livres. On la voit choisir ses cadres avec Dominique Le Rigoleur, « au plus près du néant ». L’équipe a les pieds dans la boue de ce lieu lagunaire qui pourrait aussi bien être une rizière à la saison sèche, ou la Loire, ou ces mers très basses au sud de Cuba où il y a l’eau, le ciel et une certaine lumière. Le film fera une heure trente, car « c’est la seule longueur valable, celle des tragédies classiques, pour ‘avoir’ le spectateur ». Le reportage se termine sur un éloge du « Gai Savoir » et d’une certaine fraîcheur d’exister dans la connaissance de la vanité totale de la vie.