« Le personnage, c’est-à-dire vous, sent la chose s’approcher… L’action se glisse furtivement, rien ne filtre sur sa nature exacte, mais tous ces mystères sont des leurres. » Afin de nous faire pénétrer dans l’univers et la psyché du cas Lovecraft (1890-1937), les réalisateurs ont appliqué la leçon de l’écrivain américain : un portrait à la manière d’un récit d’épouvante dont Lovecraft serait à la fois le héros et le destinataire d’outre-tombe.
Découpage, répétition de motifs visuels ou sonores, emploi du noir et blanc où surgit parfois la couleur, vues en macro de fleurs ou d’algues, animation d’une silhouette représentant « le personnage », jeux d’ombres, embrasements… tout dans la composition de ce documentaire concourt à instaurer un climat trouble et énigmatique dont la clé se situerait à mi-chemin entre l’œuvre de Lovecraft et sa vie recluse et maladive. Ultime rejeton d’une famille WASP de Nouvelle-Angleterre, élevé dans l’amour de la littérature et le culte du passé, il a 8 ans lorsqu’il écrit sa première fiction, une affaire de double et de meurtre. En 1923, il est encouragé par les membres d’une association de journalistes amateurs à publier et à cultiver son art de « raconteur d’histoires ». Poète, essayiste, auteur de récits fantastiques dans la lignée d’Edgar Poe, ce grand artiste qui fut aussi « un salaud d’un genre très conventionnel », conservateur et xénophobe, ne connaîtra cependant qu’une gloire posthume.
(Myriam Bloedé)