La cinéaste belge An van Dienderen a invité Rosine Mbakam, Camerounaise basée à Bruxelles, et Eléonore Yameogo, Burkinabée basée à Paris, pour explorer leurs diverses expériences avec les médias photographiques, technologiquement et idéologiquement biaisés, favorisant la peau caucasienne, assumant et privilégiant la blancheur.

Pour « PRISME », la cinéaste belge An van Dienderen a invité Rosine Mbakam, Camerounaise basée à Bruxelles, et Eléonore Yameogo, Burkinabée basée à Paris, à travailler ensemble sur un film dans lequel leurs différentes couleurs de peau servent de point de départ pour explorer leurs diverses expériences avec les limites biaisées du médium. Les médias photographiques sont technologiquement et idéologiquement biaisés, favorisant la peau caucasienne.
Une telle centralité de la blancheur signifie que les médias photographiques assument, privilégient et construisent la blancheur. Comment pouvons-nous, trois créatrices avec des couleurs de peau différentes, être ensemble dans un même cadre ? Et comment pouvons-nous créer un film commun sur ce sujet ? Le film problématise l’objectivité de la caméra et son inégalité de pouvoir pour aborder d’autres inégalités de la société basées sur la couleur de la peau.
Si le film déconstruit ces questions, il tente également de reconstruire en créant un film de manière collaborative, qui surmonte ces préjugés. Nous envisageons PRISME comme une lettre en chaîne, entrelaçant des scènes réalisées par les trois cinéastes en dialogue les unes avec les autres.
Les scènes de Rosine sont les plus personnelles. Elle interroge deux de ses anciens professeurs de cinéma sur leurs centres d’intérêt. Ces scènes sont entremêlées avec une reconstitution du Portrait d’une négresse de Benoist et culminent dans une tentative de se filmer elle-même, son mari blanc et leur fils en une seule image.
Les scènes d’Eléonore sont plus narratives : elle filme l’actrice Tella Kphomahou, parlant des problèmes qu’elle a rencontrés avec l’éclairage de sa peau. Tella s’entretient avec un directeur de la photographie de couleur sur ce sujet, et avec le réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis.
Les scènes de An sont plus abstraites. Elles sont tournées à l’école de cinéma où elle enseigne. La scène se déplace de la cour de l’école vers un studio, où le décor évoque une scène de test de couleur, représentant un homme blanc et une femme de couleur.
« PRISME » est plus que la somme des différentes visions des réalisatrices. De plus, des conversations enregistrées en zoom sont montées tout au long du film dans lesquelles les réalisateurices discutent de leurs points de vue, et de la réalisation de PRISM. Afin d’aborder la question du racisme dans le cinéma occidental, PRISM crée de puissantes contre-images dans un flux co-créatif qui relie les codes du documentaire et de la fiction.


Portrait de Rosine Mbakam par Lore Thouvenin (D.R.)
Rosine Mbakam a grandi au Cameroun. Elle choisit très tôt le cinéma et se forme à Yaoundé grâce aux équipes de l’ONG italienne COE (Centro Orientamento Educativo) où elle est initiée à l’image, au montage et à la réalisation dès 2000. Elle collabore et réalise plusieurs films institutionnels pour cette structure avant d’intégrer en 2003, l’équipe de STV (Spectrum télévision) dirigée par Mactar Sylla. Pendant quatre ans, elle cumule les postes de monteuse, réalisatrice, présentatrice, responsable des programmes.
Mue par l’envie de developper son regard cinématographique, elle intègre l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et des Techniques de Diffusion) à Bruxelles en 2007. Diplômée en 2012, elle réalise un premier court métrage de fiction « Tu seras mon allié » qui est sélectionné dans plusieurs festivals internationaux.
Dans une volonté d’indépendance, elle fonde en 2014 avec Geoffroy Cernaix, Tândor Productions, en Belgique. En produisant ses films, elle cherche à défendre la singularité de son regard. Elle réalise « Les Deux Visages d’une femme bamiléké »son premier long métrage documentaire en 2017, qui est sélectionné dans plus d’une soixantaine de festivals (IFFR Rotterdam, Fespaco…). Son film suivant « Chez jolie coiffure » connait une audience encore plus
large (DOK Leipzig, True/False, AFI Fest Los Angeles, Fespaco…). Les deux films sont salués par la critique […]
Dans la foulée, elle initie Caravane Cinéma qui assure la diffusion de films africains dans les quartierspopulaires des grandes villes camerounaises dans le cadre de projections en plein air.
Son troisième long métrage documentaire « Les Prières de Delphine », lui aussi sélectionné dans de nombreux festival, sort en salles en 2024.
En collaboration avec An Van Diederen et Eléonore Yameogo, elle a co-réalisé le long métrage documentaire « Prisme » sur la problématique de filmer la peau noire.
Son film le plus récent « Mambar Pierrette » a été présenté à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes en 2024.
Elle partage son temps entre sa structure de production (Tândor Productions en Belgique et Tândor Films au Cameroun) où elle travaille sur plusieurs projets et ses activités d’enseignante au sein du KASK à Gand (Belgique).

Éléonore Yameogo est une réalisatrice Franco-Burkinabè. Elle a étudié le cinéma à l’Institut Supérieur de l’Image et du Son à Ouagadougou, puis en France et en Belgique. Après avoir réalisé des courts et moyens métrages (« Ouaga Jazzy », « Ouaga HH », La main « tendue »), 2011 marque la sortie de son premier long métrage documentaire, « Paris mon Paradis » qui fait sa première au FESPACO et remporte le prix du Conseil Supérieur de I’Information.
En 2019 sort « Le Cimetière des éléphants », sélectionné pour la compétition long métrage documentaire au FESPACO. Le Festicab au Burundi et le Fifirel au Cameroun primeront cette œuvre au titre de meilleur film documentaire la même année.
En 2021, elle coréalise « Prisme » avec Rosine Mbakam (Cameroun), et An Van Dienderen (Belgique), un long métrage documentaire qui fit sa première mondiale au New York Film Festival.
En 2022, elle réalise en coproduction avec la télévision nationale du Burkina (RTB), une série documentaire sur la diaspora burkinabé en occident, « De l’autre côté des rives ».
2023 marque la sortie du 3e long métrage documentaire de Éléonore Yameogo, « Le Galop ».

Enseignante, chercheuse et artiste, An van Dienderen s’intéresse au rôle de l’image dans notre société multiculturelle.
Elle a notamment réalisé
« Tu ne verras pas Verapaz » (2002)
« Patrasche, a Dog of Flanders – Made in Japan » (2008),
« Letter Home » (2015)
et « Lili » (2015).
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