“Au cœur des Alpes, en Suisse, l’école privée de Zuoz apprend à des gosses de riches venus des quatre coins du monde, les vertus du libéralisme, de la discipline et de la civilité. Le régime de cet internat est sévère, à l’image des hautes montagnes enneigées qui l’entourent : pas d’écarts, pas d’excès, de la mesure en toutes choses. Faute de quoi, les punitions tombent. Les surveillants ont l’œil à tout, rien ne leur échappe dans ces longs couloirs sombres où les portes des chambres ne doivent pas être fermées à clé, où les filles et les garçons ne peuvent se voir que sur le pas de leur porte. Le moindre retard : dix pompes; un penchant trop fort pour les boissons alcoolisées : le renvoi.
Peu de cours dans ce film centré sur le fonctionnement de l’internat, mais le bureau des peines ne chôme pas, qui distribue, avec une science consommée de la mise en scène et de la rhétorique, les leçons de morale, les interdictions de sortie, les avertissements et les ultimatums, et s’inquiète des élèves qui n’ont pas reçu leur lot de châtiment.
Les élèves prennent le pli, bon gré mal gré, et s’entraînent à l’art difficile de cette vertu cardinale du libre-échange : la négociation, à commencer par celle des fautes et des peines. Ils y apprennent aussi, avec les subtilités de l’hypocrisie puritaine, l’existence de la pauvreté dans le monde, un ailleurs absolu dont la seule évocation suffit à resserrer les rangs. Si les maîtres sont sévères, les lycéens à la bouche en cœur sont cruels : ceux qui ne rentrent pas dans ce moule où l’argent est roi se voient exclus du groupe comme des brebis galeuses.” (Yann Lardeau)