Ce documentaire propose une approche de la dépression grave par le biais de deux témoignages ; le dispositif de l’interview ne cédant la place à des scènes plus quotidiennes qu’à de très rares moments. Cette sobriété remarquable ancre le propos du film dans la parole, l’aide qu’elle seule peut apporter tout autant que ses limites. Quatre chapitres structurent le film tout en apportant rythme et respiration à la gravité des discours : la rupture, la dépression, la révélation, la reconstruction. Nulle intention pédagogique dans ce découpage cependant ; ce qui importe ici est de ne pas réduire la maladie mentale qu’est la dépression à un état de crise mais de donner à voir et à entendre son processus mouvant et évolutif qui va de l’anéantissement à une renaissance. Les mots échangés, simples, vrais, au-delà des apparences, n’expriment que les deux sujets qui les profèrent et pourtant nous interrogent et ouvrent un espace bien au-delà des deux témoignages, renvoyant aux représentations individuelles et collectives de la santé comme de la maladie mentale. Ces « abîmes ordinaires » nous permettent d’appréhender le voyage en solitaire, initiatique, la traversée que les deux témoins ont entrepris, faisant le deuil de leur existence antérieur, pour accepter d’être autrement.