En 1975, Sydney Lumet tourne Dog Day Afternoon, avec Al Pacino, d’après un fait divers. Trois ans plus tôt, le hold-up perpétré en plein Brooklyn par John Wojtowicz et son complice avait tenu l’Amérique entière en haleine, devenant très vite une gigantesque farce médiatique. Quelque trente ans plus tard, Pierre Huyghe a demandé à ce même John Wojtowicz de remettre en scène le véritable hold-up.
D’un fait divers qui fit grand bruit, quelles images ceux qui en ont suivi alors la retransmission télévisée conservent-ils ? Quel visage se dessine-t-il en leur mémoire : celui d’Al Pacino, ou cet autre manquant, méconnaissable, du véritable protagoniste ? Peut-être est-ce pour suggérer cette duplication que l’écran offre simultanément deux images. Ce dispositif nous montre la plupart du temps deux vues différentes d’une même scène (reconstitution minimaliste et théâtrale du fait divers). Plus furtive, la mise en parallèle des images de Lumet et de Huyghe est aussi plus lourde de conséquences, révélant avec acuité le feuilletage de l’événement dans son odyssée médiatique. Car s’il s’agit bien sûr ici de restituer son image à qui en a été dépossédé, d’enlever à l’événement cette patine que la fiction lui avait donnée en l’éloignant un peu plus du réel, The Third Memory démontre surtout la « mutation qualitative de la mémoire » (Jean-Louis Schefer) dont le cinéma est l’origine. (Version anglaise, non sous-titrée)
(Mathieu Capel)