Parler avec les morts

  • Taina Tervonen
2020
67min

Synopsis

Vingt-cinq ans après la guerre, un charnier est découvert au nord de la Bosnie. Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des familles des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les quatre gouttes de sang nécessaires pour identifier les corps…

Mots clés : 
  • Bosnie-Herzégovine
  • Conflit en ex Yougoslavie
  • Enquête
  • Mémoire
  • Travail

Vingt-cinq ans après la guerre, un charnier est découvert au nord de la Bosnie. Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des familles des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les quatre gouttes de sang nécessaires pour identifier les corps…

Taina Tervonen - parler avec les morts - le lieu documentaire-1

En septembre 2017, un charnier est découvert à Vlasiic, au nord de la Bosnie. L’équipe de médecine légale exhume les ossements de plus de 200 hommes, exécutés le 21 Août 1992.

Travaillant pour l’ICMP, une organisation internationale, Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des proches des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les gouttes de sang nécessaires à l’identification des corps.

Dans une forêt de sapins au nord de la Bosnie, on déblaie des pierres sur un flanc de colline. Un nouveau charnier a été découvert là, en 2017, vingt-cinq ans après la guerre. Au milieu des agents de police et des familles éparses, quelques scientifiques en blouse inspectent les ossements. Plus tard dans leur laboratoire, ils tacheront de reconstituer des corps entiers, qu’il faudra encore identifier.

C’est à Darija Vujinovic qu’il revient, dans ce tiers supérieur du pays et depuis plusieurs années, de mener avec toujours moins de moyens ces laborieuses recherches, traverser le pays d’une maison à l’autre, rencontrer les familles qui attendent qu’on identifie leurs disparus, prélever sur les vivants quatre gouttes de sang pour le laboratoire et remplir des formulaires ante-mortem en écoutant leurs récits de guerre et de disparition.

Le film de Taina Tervonen suit les enquêtes au rythme dicté par l’extrême dignité de cette tâche technique et solennelle, qui est, du laboratoire au secret des familles, une entreprise littérale et obstinée de reconstruction. Reconstruction des cadavres, reconstruction du lien qui manquait entre les vivants et leurs morts, tandis que le film, patiemment, fait émerger une image claire du temps qu’en vérité, il faut à une guerre pour finir. C’est ce temps que sillonne Darija Vujinovic, autant qu’elle sillonne la campagne bosniaque parmi les familles usées par l’attente.

(Extrait du catalogue Cinéma du réel 2020)

L’AVIS DE TËNK

La vérité mérite bien que l’on fasse perler le sang. C’est du moins la conviction qui semble animer Darija, lorsqu’elle prélève d’un même mouvement l’ADN et la mémoire à vif. À défaut de correspondance génétique, les souvenirs exhumés permettront d’identifier les corps.

Taina Tervonen transcende le contexte précis de cette enquête (la guerre en ex-Yougoslavie) en la dépeignant sous l’angle de la rencontre entre des humains, soient-ils vivants ou morts. Tandis que Darija partage thé et cigarettes avec les familles qu’elle interroge, de jeunes femmes probablement nées après le conflit reconstituent patiemment des squelettes, que leur formateur les incite à toucher, à sentir.

Par la description concrète de ce travail de restauration, la cinéaste en révèle la profondeur : il s’agit de retisser les liens que la guerre à rompus, pour rétablir une continuité entre le passé et le présent.

Olivia Cooper-Hadjian
Membre du comité de sélection de Cinéma du réel,
Critique aux Cahiers du Cinéma

L’AVIS D’UNE BIBLIOTHÉCAIRES (IMAGES EN BIBLIOTHÈQUES)

Des hommes creusent dans la montagne. Des gens grimpent là-haut et attendent en les regardant. Finalement des cadavres sont déterrés et le silence se fait. On assiste là, à un travail impressionnant et titanesque sur la reconstitution d’une partie de l’histoire de la guerre en ex-Yougoslavie dans les années 90.

Le film est construit d’une part, avec des scènes sur les manipulations scientifiques des squelettes avec leur classement, les test Adn etc… Et puis d’autre part, on assiste aux rencontres avec les familles qui livrent leurs liens et les évènements du jour J de la disparition du fils, de l’oncle ou du cousin. Ce dispositif, simple, clair et sobre donne à voir le travail de deuil important et nécessaire, pour ces familles.

Un beau film sur la recherche de la vérité et sur la réparation. Il pointe également le travail formidable des scientifiques sans qui rien ne serait possible.

Karine Betou
Médiathèque Elsa Triolet, Villejuif
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Taina Tervonen - le lieu documentaire

Prix Jan Michalski 2022 | Discours de Taina Tervonen, lauréate et musique par Damir Imamović

Taina Tervonen (née en 1973) est une réalisatrice et autrice finlandaise basée à Paris.

« Parler avec les morts » est son premier long métrage, après deux webdocumentaires.

Taina est autrice de plusieurs ouvrages en français et en finnois, dont « Au pays des disparus » (Fayard, 2019), prix Louise-Weiss du meilleur reportage européen en 2019, et « Hukkuneet » (S&S, 2019), lauréat du prix Finlandia pour le meilleur ouvrage de non-fiction la même année.

Bibliographie

« Fils de… : Trente portraits de fils et de filles de parents homosexuels » avec des photographies de Zabou Carrière (Paris, Trans Photographic Press, 2011) 

« Face à la vie : 1 an à Garches » avec des photographies de Baptiste Lignel, (Paris, Otra Vista, 2013)

« Au pays des disparus : PM390047, un mort en Méditerranée » (Paris, Fayard, 2019)

« Hukkuneet, Helsinki, S&S, 2019)

« Les fossoyeuses », (Paris, Marchialy, 2021)

« Les otages : Contre-histoire d’un butin colonial », (Paris, Marchialy, 2022)

« À qui profite l’exil ? : Le business des frontières fermées », avec des dessins de Jeff Pourquié (Paris, Delcourt, 2023)

COMPLÉMENTS D’INFORMATIONS RÉDIGÉS PAR DES ÉTUDIANT·ES EN 3ÈME ANNÉE DE LICENCE CINÉMA ET AUDIOVISUEL
À L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG | ILS ONT CHOISIS LES FILMS, PROGRAMMÉS LE CYCLE « TRACES DE GUERRES » (MARS-AVRIL 2025) ET ANIMENT LES PROJECTIONS.
EN PARTENARIAT AVEC LE LIEU DOCUMENTAIRE.

SYNOPSIS :

Le passé ressurgit d’entre les morts lorsqu’un charnier est découvert au nord de la Bosnie, vingt-cinq ans après que la guerre ait déchiré la région. Darija Vujinovic, détective aux multiples fonctions, s’engage alors dans une quête à travers le pays pour redonner une identité à ces squelettes anonymes. Entre rencontres intimistes avec les familles présumées des disparu.es, et reconstitutions “archéologiques” de ces carcasses, la réalisatrice Taina Tervonen nous emmène, aux côtés de Darija et d’un groupe de scientifiques, au cœur d’un travail de retissage de la mémoire suspendue de la guerre.

AVIS DES ÉTUDIANT.ES :

Comment la reconstitution d’un corps provoque celle de la mémoire?
Dans cette enquête à la fois archéologique et mémorielle de porté.es disparues de la guerre de Bosnie, dont les ossements ont été retrouvés dans un charnier des années plus tard, Taina Tervonen remue le couteau dans la plaie de cette guerre passée, pas tout à fait cicatrisée.

Le temps semble suspendu lorsqu’elle filme Darija Vujinovic chez les familles dont elle va récupérer l’ADN, avec qui elle échange cigarettes contre gouttes de sang, indispensables pour retracer l’arbre généalogique des victimes. 

Dans l’attente de la confirmation des correspondances génétiques, des anecdotes de famille et souvenirs autour des disparu.es sont échangés, comme la lecture d’un livre photo, vers une approche intimiste et latente.

Ces séquences intimistes sont contrastées par une immersion dans la démarche scientifique, légiste, de recomposition de ces ossements qui transpercent l’écran par tout ce qu’ils représentent. Parler avec les vivants donc, mais aussi avec les morts, cette parole questionne la capacité des images à créer un dialogue avec l’indicible, l’absence, et offre un moyen de donner une voix à ceux qui ont été réduits au silence.

À la fois puzzle anatomique, généalogique et historique, la mémoire de la guerre est démêlée puis retissée sous la caméra de Taina Tervonen à travers ces corps retrouvés. Mémoire enfouie aujourd’hui déterrée, ce film nous offre donc une vision au cœur des traces du temps et des souvenirs figés par la guerre, et de la distance à la fois physique et psychique infligée par l’après-guerre.


(Rédigé par Ellora AIMÉ et Léa NARANJO, étudiantes en L3 Cinéma)

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