Jean-Claude Rousseau, seul dans son appartement. Unique espace déployé dans sa profondeur, un couloir distribue les pièces où la caméra bute immanquablement sur murs, meubles et lavabos. Souvent cadré à hauteur de bassin (la hauteur du pied de sa caméra), Rousseau s’assied dans l’une, s’allonge dans l’autre, pour lire parfois quelques vers de Bérénice, qui donne son titre à cette odyssée de chambre.
Tragédie contemporaine en cinq actes pour homme seul : ainsi serait-on tenté, par attraction, de définir « De son appartement ». Mais quelle forme le tragique, fût-il ou non racinien, pourrait-il prendre aujourd’hui ? La réponse de Rousseau exclut le théâtral (ou plutôt, fonderait un théâtre sans théâtralité) pour privilégier une dramaturgie de l’infime : le retour des objets et des lieux, leur mutisme, celui de Rousseau lui-même qui, hormis de rares exceptions, ne prend voix qu’à lire Racine, cette proximité avec le rien peu à peu s’anime de micro-accidents (un coup de sonnette, une lettre reçue, l’apparition d’un chat…), et semble gagnée par une forme d’intranquillité. Comme si Rousseau, tirant parti des possibilités du cadre et du montage, tâcherait de mesurer l’impact sur l’espace quotidien d’un texte consacré à l’attente de l’autre, à la peur de son absence. Manière élégante et pudique d’avouer sa propre solitude, tout en prétendant qu’elle ne serait qu’artificielle.