Louis Schittly : portrait d'un homme libre
"Louis Schittly, de terre et de guerre" le documentaire de Vincent Froehly est à voir jusqu'au 5 juin 2023 sur la plateforme de France 3 Grand Est et de France.tv
Un film-portrait attachant, enthousiasmant, du genre qui vous donne l'envie et le courage de vous lever certains matins !
Quelle bonne idée que de consacrer un portrait à Louis Schittly, médecin, paysan et écrivain. Un homme aux mille vies, dit on. En fait, il n’en n’a qu’une. Il l’aime tellement qu’il sauve celle des autres.
Anar, depuis avant qu’il ne découvre le mot en mai 68, il part au Biafra en 69, où il co-fondera “Médecins sans frontières”, comme une évidence. Puis le Vietnam, l’Afghanistan, le Sud Soudan, et autant d’engagements humanitaires, avant de revenir en à Bernwiller, son village natal dans le Sundgau au sud de l’Alsace, où il cultive plus que jamais son jardin, ses champs, entretient sa ferme, son arche de Noé et les amitiés.
“Certains à gauche me considèrent comme un réac parce que je me méfie de la modernité. D’autres à droite me disent gauchiste. En fait, ils ont tous raison” lâche-t-il en riant vers la fin du film, avec ses yeux yeux plissés du vieux matou tigré à qui on ne la fait pas. Un regard toujours malicieux et gourmand de ce que lui offre la vie. Un regard qui toutefois laisse entrevoir des périodes plus sombres qu’on imagine à certains moments de sa vie. Il ne s’appesantit pas. Nous non plus.
S’il est impossible de retracer une vie en 52 mn sans la survoler, Vincent Froehly, le réalisateur, grâce notamment à la complicité entretenue de longue date avec Louis Schittly, réussit à faire passer l’essentiel : la vie. Et l’invitation déterminée à rester libre.
“Louis Schittly, de terre et de guerre” de Vincent Froehly (2023 | 52’)
Coproduit par France 3 Grand Est et Supermouche Productions
C’est l’histoire d’un homme qui voulait changer le monde, mais que le monde a fini par changer…
Louis Schittly est né en 1938, dans une famille paysanne d’un petit village du Sundgau, à Bernwiller, au sud de l’Alsace. Il était destiné à reprendre la ferme familiale, mais les histoires de guerre qui ont bercé son enfance changent ses rêves. Il devient médecin et veut exercer là où il est le plus utile.
Les guerres se succéderont durant des années : Biafra, Vietnam, Afghanistan, Sud-Soudan… En 1969, le Nigéria en guerre contre le Biafra utilise la famine comme une arme de guerre. Louis et tous les médecins de la Croix Rouge Française sauvent des milliers d’enfants. Lorsque tous les autres fuient, Louis et ses amis restent. Le monde entier les surnommera les French Doctors ; ceux-là même qui créeront Médecins Sans Frontières avec Bernard Kouchner…
"Je suis surpris de voir à quel point la majorité des gens n’aime pas la liberté. Ils aiment obéir. Ils veulent un chef. Moi je ne veux commander personne. Je ne veux pas qu’on me donne des ordres. Avec les copains, je suis prêt à faire les 400 coups. Mais avec des copains. Pas avec des inconnus qui disent "je suis président de je ne sais pas quoi" ou "je suis ton chef". Je les emmerde les chefs. Je ne veux pas de chef."
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"Le progrès est quelque chose de positif, s'il offre davantage de liberté, mais pas s'il ajoute des chaînes. Aujourd'hui, tous sont enchaînés, ils ne peuvent plus rien faire par eux-mêmes. Ils n'ont plus de poules, plus de potager, et sont tributaires des supermarchés."
À voir et à lire en complément du documentaire
D’Goda, un film en alsacien sur la vie paysanne
C’est la belle histoire d’une résurrection : celle d’un film manifeste, « D’Goda » (la Marraine) de Louis Schittly et Daniel Shlosser. Un film tourné en 1975, il y a un demi-siècle, qui est vraisemblablement le seul long métrage de fiction en alsacien traitant de la vie paysanne du Sundgau.
Il vient d’être restauré, et sera diffusé en plusieurs endroits.
Reportage “Rund Um” de France 3 Grand Est:J.Jung / C.Peyrot / R.Willhelm
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Avis d’un lecteur/spectateur envoyé le 9 juin 2023
À distance, un mot (critique) à propos de “Louis Schittly, de terre et de guerre”.
Je ne souscris pas à la pastille « coup de coeur ».
Ce libre penseur, médecin et paysan, reste intact dans sa vie, peut-être méditatif sur son parcours. Nous serions beaucoup à ne pas s’honorer de pareils engagements.
Je suis plus circonspect sur la réalisation du documentaire. Certes le formatage France 3 laisse peu de place à l’autorat. Ce film est digne d’un bon tâcheron. Je le trouve néanmoins paresseux. Peu de lecture aidante à minima sur les images d’archives (très instructives), choix d’un Kouchner fatigué, séquence finale très décalée.
Les atouts à peine effleurés : la partie sur le dialecte, le processus citationnel de D’Goda aurait mérité de tirer davantage vers cette veine du docteur-écrivain-raconteur, et aussi la place des femmes…
Le public jeune, devant son poste TV (archaïsme), aura peiné à comprendre les références. Il aura découvert un monsieur âgé, tuant une volaille, et vantant son mode autarcique. Je ne sais pas si cela “donne l’envie et le courage de vous lever certains matins ». (Michel Rebourg)
Texte (hors résumé du film) : alain walther | Le Lieu documentaire
Photos : Vincent Froehly, Supermouche Productions et France 3 Grand Est
