Clara Alloing signe avec “J’ai énormément dormi” un beau premier film, ténu et sensible. Au-delà d’un portrait consacré à Johanna Monnier, sculptrice, elle propose une évocation délicate de l’univers de l’artiste plasticienne suisse et de sa façon d’être au monde.

J’aime certains soirs me promener dans des catalogues de films et des plateformes, sans autre but précis que la promesse d’une découverte.
Hier soir, je me suis baladé sur Tënk, la plateforme dédiée aux films documentaires, et j’ai feuilleté la section consacrée à la sélection du Festival Visions du Réel 2022 à Nyons. Une image m’interpelle. Un portrait sur une artiste suisse pour moi inconnue. Par une cinéaste pour moi inconnue aussi.
Je clique. En quelques minutes, le film me happe. La voix d’abord. Les mots évidemment. Surtout, le grain et le débit de la voix. Puis les images qui suggèrent et me laissent la liberté de rêver. D’imaginer. De ressentir.
Je me glisse dans le film comme dans une matière qui protège. Douce et rêche à la fois. Une sorte de peau protectrice. Le sujet même du film. Au-delà d’un portrait convenu d’artiste, une évocation de son travail. De sa façon d’être au monde. Je découvre une artiste et une cinéaste. Et vous invite à en faire de même.
“La sculpture c’était une manière de me consoler moi-même. C’est pas uniquement en lien avec la tristesse, c’est en lien avec toutes les émotions. C’est comme si je pouvais bercer mes émotions, ou leur offrir un berceau”
Johanna Monnier
Dans son atelier, l’artiste Johanna Monnier nous parle de son lien avec son travail: sculptures vivantes, costumes d’êtres imaginaires…
À travers ses créations elle a trouvé une sécurité, une manière d’exister et d’aimer.
Sa parole éclaire les univers sensibles qu’elle invente, ses créations s’animent, mises en scène dans un jeu complice entre l’artiste et la réalisatrice. Un film sur l’acte de création comme force de vie.

Clara Alloing est réalisatrice et opératrice du son. Sa pratique se trouve entre le cinéma, la création radiophonique et la musique électroacoustique.
Depuis 2015, elle développe des créations sonores qui donnent à entendre des récits intimes, et qui cherchent à représenter l’espace du monde que ces voix habitent. En parallèle de sa pratique personnelle, elle collabore en tant que preneuse de son et monteuse son avec des artistes telles que Marie Losier, Sayaka Mizuno ou Maëlle Gross.
“J’ai énormément dormi” est son premier film. Il a été présenté en première mondiale au festival Visions du réel (2022).
Elle est aussi l’une des organisatrices du premier festival d’art radiophonique de Genève, “Les yeux grand fermés”, qui a lieu au théâtre Saint-Gervais.


Johanna Monnier est une artiste née en 1989 en Suisse.
L’environnements rural dans lequel elle grandit la conduit à expérimenter de nombreux jeux et la mène à une démarche artistique qui prends racine au début de son adolescence.
Elle entame un cursus de formation complet et obtient un diplôme de céramiste et un master des Beaux-arts de Paris, avec les félicitations du jury.
Elle réalise un échange à San Francisco qui seras décisif pour l’orientation de son travail. En parallèle, Johanna se forme aux sciences humaines et à différentes approches psychotérapeutique et mène un travail de recherche méthodique qui combine le soin et sa pratique sculpturale.
Le travail de Johanna Monnier s’articule principalement autour de la sculpture performative.
Faites de textiles tels que maille, tricot, cuir ou skaï, de céramique ou encore de métal forgé, ces oeuvres naviguent entre costumes, accessoires et objets autonomes. Au centre de ces recherches se trouve l’objet, sa mise en mouvement et l’expérience de l’objet.
Pour elle, la mise en action de l’objet est essentielle. Elle se fait le plus souvent grâce au corps.
L’oeuvre entre en rapport avec la personne qui la porte, l’endosse ou la manipule. Une proximité entre l’artiste, la pièce et son destinataire s’instaure.
Parfois burlesque et provocateur, parfois fin et délicat, son travail cherche à explorer les parts intimes de l’humain.
J’ai énormément dormi
Réalisé par Clara Alloing • Écrit par Johanna Monnier, Clara Alloing
Suisse • 2022 • 44 minutes • Couleur • Production : Earthling Productions • Diffuseur coprod. : Tënk
Musique originale : Clara Alloing, Manuel Viallet
Festivals (séléction)
- Montréal, 41e Festival International du Film sur l’Art (FIFA)
14.03.2023 – 26.03.2023 - Solothurn, 58. Solothurner Filmtage
18.01.2023 – 25.01.2023 - Lussas, 34e Etats généraux du film documentaire Lussas
21.08.2022 – 27.08.2022 - Nyon, 28e Visions du Réel Festival international de cinéma Nyon
10.04.2022 – 14.04.2022
Par alain walther | Le Lieu documentaire | 23 avril 2023
Photogrammes extraits du film | D.R. Earthling Productions