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Année du documentaire

Programmer le cinéma documentaire 2/2 : où et avec qui ?

Programmer des documentaires : lesquels ? où ? avec qui ? pour qui ? Pour répondre à ces questions, on a pris la direction de Paris pour aller écouter des pros du cinéma documentaire parler de leur expérience. C’était captivant, alors évidemment, on vous raconte.

@Le CNC
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Retour sur trois journées de réflexion :

 

Dans le deuxième volet de cette série d’articles, on essaye de répondre à la question : Programmer avec qui, et pour quel public ?

Programmer : télévision ou cinéma ?

Selon l’étude du CNC Les publics du documentaire, 46% des spectateur.ices du documentaire le regardent à la télévision, contre 7% seulement au cinéma. 25% le regardent sur les plateformes de VoD, et 32% sur Internet.

Il est possible de programmer un film de différentes manières et à différents endroits. Salles de cinéma, cinémas éphémères, salles de projection comme celle de la Maison de l’Image, festival… Les possibilités sont multiples. Lors de ces journées de réflexion, le débat s’est recentré sur la salle de cinéma. 

Pour David Dufresne, c’est en effet la salle de cinéma qui possède « la force de l’agora. » Pour le réalisateur d’Un pays qui se tient sage, « Le documentaire de télévision a une grande force de frappe mais il y a dans le documentaire de salle une dimension de débats forte. »

Etienne Ollagnier, cofondateur de la société de distribution Jour2Fête note la particularité du rapport entre le film documentaire au cinéma et ses publics : « Après le COVID-19, la manière dont le cinéma s’est réorganisé et ses usages ont changé. (…) Sur le documentaire, sur certains films, c’est parce que le sujet est fort et désiré par une typologie de publics que ça fonctionne. Sur le film en général c’est assez binaire : ça marche ou pas. Sur le documentaire, ça peut ne pas s’arrêter là. Sur la durée, il peut trouver son équilibre. »

Il explique cependant qu’ :  « il y a des débats d’idées avec les salles. » Pour lui, certains sujets priment dans les salles : c’est une question de choix de programmation propres à chaque cinéma. Il note tout de même, comme Dufresne : « Ce qui est vraiment bien dans une salle de cinéma c’est l’agora. »

Victor Courgeon, chargé de la conquête des nouveaux publics au cinéma Le Méliès à Montreuil, estime important de noter la particularité du public du Méliès. Implanté dans un endroit où vit une population fortement cinéphile, les salles sont souvent remplies. Il n’hésite donc par à souligner qu’il ne peut pas servir d’exemple général.

Cependant, il explique que les publics peuvent être attirés par une programmation qui propose des formes innovantes. Il donne l’exemple de : « Little Girl Blue », de Mona Achache : « L’imbrication et la forme hybride a attiré beaucoup de spéctateur.ices avec une certaine diversité d’âge ».

Karin Ramette, en charge des relations aux publics au sein de l’ACID, ajoute qu’ :  » il y a une nécessité d’entrer dans un dialogue avec les jeunes et leurs pratiques : ce qu’ils regardent et comment. Le but est d’amener les jeunes à consommer de nouvelles formes, des formes audacieuses, des formes comme le documentaire d’art et essai. »

Si les chiffres sont clairs (les consommateur.ices de documentaire regardent peu de documentaires au cinéma), il est tout de même possible de faire venir le public du documentaire en salle. Question de format, mais aussi de contenu : Victor Méliès parle de son expérience en énonçant les facteurs contextuels qui peuvent être importants dans la programmation de documentaires en salle de cinéma : « « Allons Enfants » a bien marché auprès des publics scolaires et du grand public car le breakdance est programmé aux JO, et en Seine Saint Denis c’est un sport pratiqué par beaucoup de gens. »

Programmer : avec qui ?

Programmer une projection dans un lieu, c’est organiser une possibilité de rencontre : à la fois du film avec le public, mais aussi des personnes ensemble. Des acteur.ices périphériques du documentaire mais aussi des professionnel.les lié.es aux sujets abordés dans les films peuvent intervenir pour créer du lien entre la programmation et le public.

Selon l’étude Les public du documentaire, 58% des personnes disent regarder du documentaire accompagné.es. Le film documentaire est donc un médium qui, majoritairement, se partage.

Etienne Ollagnier défend le double-bénéfice de la programmation de films documentaires avec les associations : « Les films documentaires permettent pour les associations de regrouper des personnes dans des salles. Ce travail est très pertinent pour les films mais aussi pour les associations. » 

Victor Courgeon rappelle, lui, le rôle des transmetteur.ices du documentaire : « Beaucoup de films animaliers cartonnent au Méliès, et notamment grâce au travail des enseignant.es ». 
En effet, qui ne se rappelle pas avoir déjà visionné un film en cours de SVT ou d’histoire ? Combien de sujets nous ont marqué davantage dans notre scolarité lorsqu’ils étaient amenés avec un vidéo-projecteur ou une sortie cinéma ?

Dans la diffusion des documentaires, les enseignants peuvent ainsi avoir un rôle clé en raison de leur connaissance des besoins de leurs élèves. Pauline Dujon, professeure de physique-chimie dans un lycée, insiste sur la manière dont on amène le film documentaire auprès des étudiant.es : « Les étudiant.es ont conscience de la gravité écologique, et ça les stress beaucoup. Mais parfois, c’est bien de leur montrer aussi le beau dans le monde. » 

Vincent Munier, auteur et co-réalisateur du film « La Panthère des Neiges », acquiesce et ajoute : «  Les gens en ont marre du côté négatif des documentaires écologiques : avec « La Panthère des Neiges » on y a mis un aspect contemplatif. ».
Programmer des documentaires esthétiquement beaux et touchants permettrait donc aussi de rassembler le public autour du film, comme une manière de fédérer un grand nombre de personnes autour d’un sujet.

Pour Claire Nouvian, fondatrice et présidente de l’association BLOOM contre la destruction de l’océan, il est important au contraire d’alerter les spectateur.ices de façon plus radicale. Elle explique que la pression citoyenne est importante pour provoquer l’action politique : obtenir des votes, par exemple. Nouvian et Munier se mettent cependant d’accord sur l’importance de faire jouer divers leviers de sensibilisation à travers le cinéma documentaire. 

Pour approfondir : conseils de pro

Vous souhaitez en savoir davantage sur la programmation de films documentaires ? 

Voici votre arme : un guide d’outils hyper complet confectionné par Images en Bibliothèque qui a organisé le Mois du Documentaire en novembre 2023. Il est disponible sur leur site, 38 pages de pistes réflexives et de conseils pour vous accompagner à chaque étape de la programmation de films documentaires. 

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Un article de Pauline Ancé

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