À la fac et dans les écoles de cinéma, tu vois beaucoup de films, beaucoup de genres de cinémas différents, tu découvres pas mal de choses. En 2015 par exemple, j’ai découvert un film “fondateur” pour moi, un film kazakh qui s’appelle “Le souffle” d’Alexander Kot. Il a été largement déterminant pour moi, notamment, parce que j’ai compris qu’on pouvait faire du cinéma sans dialogue.
J’ai envie d’un cinéma sensoriel. Et je pense que cette envie part de la frustration, de voir toujours dans les films animaliers classiques des scènes comme celle de tempêtes traitées trop rapidement ce qui empêchent le spectateur de ressentir toutes émotions.
Je prends les choses comme elles sont, telles que je les ressens et telles que j’ai envie de les faire ressentir. Je filme de manière à ce que la voix-off soit inutile.La musique peut exister, mais ce que j’aime vraiment c’est écouter la nature. Je trouve qu’il y a une telle musicalité dans ce qui existe, déjà, qu’il n’y a pas besoin de rajouter de grosses symphonies par-dessus pour la magnifier et pour juste rendre ce que c’est. Si tu fais un film sur la nature sans l’écouter, ça n’a pas de sens. Parce que ça joue à moitié de ce que tu ressens quand t’es en forêt.
J’aime filmer et faire ressentir la nature, dans toutes ses rudesses, avec toutes ses aspérités, mais aussi dans ses moments de grâce. Prendre les choses comme elles sont, dans leur entièreté. Ne pas essayer de les enjoliver, mais partir vraiment de ce que tu ressens face à une nature qui est indomptée. Le sauvage dans ce monde.
Quand on met un pied dans cette nature, nous sommes là comme observateurs, privilégiés peut-être, mais avec une sensation d’étrangeté, et essayons de comprendre ce qui nous arrive. Dans mes films, j’aime plonger les spectateurs en immersion dans un monde de sensations.
il y a bien parfois un humain qui existe au loin. Il y a une présence, parfois invasive, violente. Les animaux sont eux dans leurs éléments naturels. Ils sont simplement là et doivent faire avec ce qui les entoure. Et parfois, ce qui les entoure, c’est immensément plus grand qu’eux. Ils sont dans un rapport aux éléments qui est juste. Ils font avec ce qui est. Je ne sais pas vraiment comment dire, mais c’est une espèce d’instinct de vie.
Pour moi, il y a ce côté vibrant dans la nature, parce que tu évoques et travaille des choses très primitives, instinctives, des sensations. Ce sont des émotions toutes simples. Souvent, les émotions les plus pures sont les plus vibrantes. Il y a un rapport originel à la vie : l’amour, le temps, la mort, le souffle… la lutte. Voilà, la lutte.
Le spectateur est vraiment un “observateur”. Je ne lui dis pas ce qu’il doit penser. Le spectateur, pour moi, doit vraiment saisir les petits éléments de ce que je lui montre. Il n’est pas obligé de tout comprendre. Il saisit des choses et se fait sa propre histoire. Il se fait son propre chemin dans une nature qui est telle qu’elle est.
La projection en salle est aussi une expérience. Ce que j’aime, c’est quand les images vibrent et quand moi, je vibre sur mon siège. C’est ça que j’ai envie de retranscrire.