Sur le flanc des montagnes, la nuit, le jour, sous la pluie, dans la brume ou au soleil, des hommes, des femmes, des animaux se côtoient et vivent ensemble. Certains gardent les autres, les soignent, les nourrissent. Au cœur de tous ces gestes, il y a aussi la mort, la mise à mort que l’on a tue et que certains ne veulent plus taire.
L’AVIS DE TËNK
De la parole et des gestes.
Beaucoup de choses nous échappent derrière les portes de ces fermes, beaucoup d’enjeux, d’émotions, de mots. Tout en clair-obscur, des gestes d’initié·es qui en disent long sur la relation profonde et l’attachement complexe avec ces animaux. Des mots francs, face caméra, de ceux et celles qui analysent leur pratique et mettent en mots une parole qui pourrait être considérée comme taboue.
Colas Gorce met en avant l’ambivalence qui existe en permanence dans ces rapports entre éleveurs et animaux. Car oui, il est difficile de parler de la finitude de ces relations, de ce qui fait la nature même du lien qui les unit mais c’est avec pudeur que le réalisateur met cela au cœur du récit.
Line Peyron
Responsable de la diffusion de Tënk
Mise à mort à la ferme
par Colas Gorce
Je suis fasciné par les animaux d’élevage que je croise depuis petit dans mon Cantal familial. Avant de me former à la réalisation, j’ai approché le milieu paysan lors de mes études en sciences politiques. J’ai travaillé avec des éleveurs, au Chili puis en Aveyron, qui ont la passion de leurs bêtes et le besoin de vivre près d’elles. Ils sont pour moi des passeurs, des initiés à la vie animale ; ils en connaissent le langage, savent soigner, calmer, apaiser, contraindre, faire naître. Et tuer.
Aujourd’hui, nos sociétés sont hantées par notre rapport morbide aux animaux. Les industries de la viande sont régulièrement dénoncées pour les horreurs qu’elles engendrent à cause de logiques productivistes.
Les éleveurs sont pointés du doigt et tout le champ de l’éthique animale est pris en main par des urbains qui proposent des réflexions désincarnées.
Les éleveurs ont du mal à répondre aux questions posées, et je crois qu’ils ne le peuvent pas car ils sont exclus de ces théories dès le choix des mots qui permettent de les penser.
Le peuple des fermes est pourtant le premier à souffrir des errances du système agro-alimentaire. Nous savons que le suicide touche durement la profession et que beaucoup d’éleveurs finissent ruinés, mais qui a entendu parler de leur douleur vis-à-vis de la souffrance des bêtes ? Dans de nombreuses fermes, les éleveurs s’enferment chez eux lors des départs à l’abattoir. Le film est né d’un besoin de dialogue et d’une envie de m’intéresser à ceux que l’on entend le moins.
Pendant ses études de philosophie à l’Université Pierre Mendès France et en sciences sociales à l’Institut d’études politiques de Grenoble, Colas Gorce a travaillé avec des organisations paysannes au Chili et en Aveyron.
Il se forme ensuite à la réalisation au sein du master de l’école documentaire de Lussas (promotion 2018-2019). « Les Initiés » est son projet d’entrée en formation.
PARTAGEONS NOTRE GOÛT POUR LE CINÉMA DOCUMENTAIRE
Tous nos rendez-vous autour du cinéma documentaire : projections, rencontres, festivals et ateliers