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Cycle | 39/45 : des récits pour mémoire

« Le cas Léon K. » de Jérôme Prieur

jeudi 20 mars 2025
à 18:30
Auditorium de la BNU, Strasbourg

Projection en avant-première du film « Le cas Léon K. » de Jérôme Prieur (80 mn), en partenariat avec Arte et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, dans le cadre du cycle « 39-45 des récits pour mémoire »

En présence de Jérôme Prieur, réalisateur et auteur.

Entrée gratuite sur réservation obligatoire via ce formulaire

Info pratique : l’auditorium de la Bnu est accessible aux personnes à mobilité réduite.

  • Jérôme Prieur
2024
78'
  • Arte France
  • La Générale de Production
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Léon Kacenelenbogen sur le paquebot Nyassa en 1944

Arrêté et interné en France en 1942, un jeune juif polonais écrit deux suppliques au maréchal Pétain, clamant son désir de vivre, avant de disparaître des radars de l’histoire. Une enquête minutieuse à la recherche de l’homme derrière les lettres.

Jeune Polonais d’origine juive, Léon Kacenelenbogen – dit Léon K. – a 21 ans quand il est arrêté en zone libre par la police française, lors de la rafle du 26 août 1942, et interné au camp de Douadic (Indre), avant d’être déplacé le lendemain à celui de Nexon (Haute-Vienne). Désespéré, il écrit coup sur coup deux longues lettres au maréchal Pétain, clamant son désir de vivre : des suppliques, tout à la fois solennelles et ironiques, rédigées dans un français parfait, qui témoignent de sa vivacité comme de sa rage d’être arrêté pour n’avoir commis d’autre crime que d’être « un représentant de la race damnée et condamnée ». Le jeune homme est finalement expédié au camp de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales – l’antichambre de Drancy. Mais il parvient à s’échapper, sans doute peu après son arrivée, et atteint l’Espagne. Il réapparaît en janvier 1944 sur les clichés du Nyassa, le seul navire autorisé, avant même la fin de la guerre, à quitter l’Europe pour la Palestine avec à son bord quelques centaines de réfugiés. Comment Léon K. a-t-il réussi à s’enfuir, et qu’est-il devenu ?

Filature d’une ombre

Léon est mort en 2017 à Anvers, à l’âge de 96 ans. De son évasion et de sa vie d’avant, il n’a jamais rien raconté. « C’était quelqu’un de très secret », témoignent Renée et Sabine, respectivement ses nièce et belle-sœur, qui ignoraient jusque-là l’existence de ses lettres. Hormis sa trace dans les archives administratives et policières, de très rares photos et quelques lieux en ruine, il ne reste presque rien de lui. À partir de l’enquête minutieuse entreprise par l’historienne Aude Vassallo, le film de Jérôme Prieur est parti à la poursuite de Léon K. comme on mène une filature. Scrutant les moindres détails et les soumettant au regard d’archivistes, d’historiens, de lecteurs, il avance par hypothèses et déductions. En même temps que resurgit la mémoire enfouie d’un des pires chapitres de la politique collaborationniste du régime de Vichy, émerge peu à peu le portrait d’un jeune inconnu au puissant instinct de survie.

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Famille Kacenelenbogen, de gauche à droite : Léon, Bella, Azryl et Meryem, Varsovie, vers 1926-1927. Abraham, surnommé Abie naîtra en 1934 en Belgique.

Écouter l’émission « Les suppliques » sur France culture

Une plongée sidérante dans la France de Vichy à travers des requêtes centralisées par le Commissariat général aux questions juives.

Une émission conçue par Jérôme Prieur
d’après le film Les Suppliques de Jérôme Prieur co-écrit par Laurent Joly, produit par Alexandre Hallier pour La Générale de production et France Télévision

Le cas Léon K – Jérôme Prieur
d’après une enquête d’Aude Vassallo
Parmi les milliers de lettres envoyées à l’administration de Vichy entre 1941 et 1944, deux lettres quasiment identiques adressées au maréchal Pétain ont été́ écrites à un jour d’intervalle, fin août 1942, par un jeune Polonais, Léon Kacenelenbogen. Interné dans les camps de Vichy, qu’est devenu l’auteur de ces deux suppliques ? Le cas Léon K. est la filature de ce fantôme.

À l’origine, deux lettres parmi des milliers, celle du jeune Léon Kacenelenbogen la première envoyée le 27 août 1942, depuis le camp français de Douadic (Indre) puis à nouveau le lendemain, le 28 août, après son arrivée au camp de Nexon (Haute-Vienne), deux longues lettres sélectionnées par Jérôme Prieur et l’historien Laurent Joly pour leur film « Les suppliques », reprises dans l’application « Suppliques stories » et le spectacle théâtral « Les suppliques » du Birgit ensemble. 

À chaque fois, la lecture, l’écoute ou l’interprétation de ces deux lettres est bouleversante. Il y a le contexte, un jeune homme de 20 ans écrit au maréchal Pétain et clame son envie de vivre ; il y a le registre à la fois ironique et solennel, l’équilibre, la force et l’intelligence d’une lettre écrite dans un français parfait par un Polonais apatride. La graphie est régulière, elle trahit toutefois l’émotion de son auteur, ce qui étreint le spectateur d’aujourd’hui. Il y a enfin ces 24 heures entre les deux lettres presque identiques, comme deux versions d’un même tableau. Ces deux missives n’ont abouti à rien, selon le sort partagé par toutes les autres suppliques.

Mais elles disent le caractère de l’auteur. Léon Kacenelenbogen, né en 1921 en Pologne, Ce jeune polonais avait fui la Belgique où il vivait avec sa famille. Le 16 juillet 1942, le jour même de la rafle du Vel d’hiv à Paris, Léon avait réussi à franchir clandestinement la ligne de démarcation. Bien qu’assigné à résidence par les autorités françaises à Argenton-sur-Creuse, il avait pu se croire à l’abri dans cette paisible localité du cœur de la France. Mais c’était pour être arrêté et interné un mois plus tard après la rafle du 26 août, opérée cette fois à travers toute la zone libre par la gendarmerie française et la police de Vichy. 

Comme bien d’autres réfugiés étrangers, Léon n’avait commis d’autre crime que d’être un « représentant de la race damnée et condamnée », ainsi qu’il s’en insurge devant Pétain. Transféré finalement au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), antichambre de Drancy et ensuite des camps de la mort, Léon n’a pas attendu la réponse à ses « missives » et s’est évadé on ne sait comment. Il traverse à pied les Pyrénées, arrive en Espagne, où il est longuement emprisonné dans le camp de Miranda près de Barcelone d’où il finit par embarquer à bord du Nyassa, le premier bateau de réfugiés à destination de la Palestine mandataire. 

En 1950, il quitte Israël et retourne en Belgique où il décède en 2017, à Anvers, à l’âge de 96 ans sans rien dire de son destin qui s’est joué en quelques jours. Reste à tenter de faire son portrait en creux, comme le dit Marcel Cohen dans le film. Hormis sa trace dans les archives administratives et policières, de rares photos, il ne reste presque rien de lui. Les lieux eux-mêmes sont devenus aujourd’hui des ruines silencieuses. Alors, comme on ferait une filature, le film est parti à la poursuite de Léon K. pour essayer de retrouver l’ombre de ce jeune homme. 

Pour s’approcher de Léon K, de son mystère, des archivistes, des historiens mais aussi d’autres observateurs et deux membres de sa famille ont été interrogés par Jérôme Prieur, à partir de l’enquête qu’a menée Aude Vassallo avec le réalisateur : Sabine Lam Kacenelenbogen et Renée Krygier Kacenelenbogen, Philippe Barlet (historien du camp de Douadic), Anne Boitel (historienne du camp de Rivesaltes), Nicolas Bouchaud (comédien), Josep Calvet Bellera (historien, specialiste du Mémorial de Miranda), Marcel Cohen (écrivain), Alexandre Doulut (historien, spécialiste du camp de Rivesaltes), Fanny Dupuy (historienne du camp de Nexon), Laura Hobson Faure (historienne, spécialiste du Joint Committee), Christine Jouishomme (experte en écriture), Catherine Nicault (historienne, ancienne rédactrice en chef d’Archives juives), Guy Perlier (historien du camp de Nexon).

Jérôme Prieur

Écrivain et réalisateur, Jérôme Prieur est l’auteur d’une vingtaine d’essais, dont dernièrement « Où est passé le passé », (avec Laurent Olivier, 2022). Outre les quatre grandes séries sur les origines du christianisme réalisées depuis « Corpus christi » (avec Gérard Mordillat), il s’est consacré à plusieurs films autour de la période des années 30-45 en Allemagne et de l’Occupation en France, dont plusieurs ont été présenté par Le Lieu documentaire : « Le Mur de l’Atlantique, monument de la collaboration » (2010), Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé » (2013), « Les Jeux d’Hitler, Berlin 1936″ (2016), « Ma vie dans l’Allemagne d’Hitler » (2018), « Vivre dans l’Allemagne en guerre » (2020).

 

 

Parmi ses réalisations documentaires :

  • 2024 : « Le cas Léon K »
  • 2023 : « 1941, dernier bateau pour l’exil »
  • 2023 : « Les sentinelles de l’oubli »
  • 2022 : « Les Suppliques » – Sélection Panorama du Documentaire, Pessac 2022
  • 2021 : « Darlan, le troisième homme de Vichy »
  • 2020 : « Vivre dans l’Allemagne en guerre » – Sélection Prix du documentaire inédit, Pessac 2020
  • 2019 : « Occuper l’Allemagne, 1918-1930 »
  • 2018 : « Ma vie dans l’Allemagne d’Hitle »r – Sélection Prix du film d’histoire – catégorie Documentaire, Pessac 2019
  • 2016 : « Le Triomphe des images, il y a mille ans »
  • 2016 : « Les Jeux d’Hitler, Berlin 1936 » – Sélection Panorama du Documentaire, Pessac 2016 et sélection thématique, Pessac 2018
  • 2015 : « Jésus et l’islam » (série co-réalisée avec Gérard Mordillat)
  • 2013 : « Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé » – Sélection Prix du film d’histoire – catégorie Documentaire, Pessac 2013
  • 2012 : « Dieppe 19 août 1942, L’Opération Jubilé »
  • 2011 : « Vivement le cinéma »
  • 2011 : « À propos du procès Barbie »
  • 2010 : « Le Mur de l’Atlantique, monument de la collaboration » – Sélection Prix du film d’histoire – catégorie Documentaire, Pessac 2010
  • 2008 : « L’Apocalypse » (série co-réalisée avec Gérard Mordillat)
  • 2006 : « René Char, nom de guerre Alexandre » – Sélection thématique, Pessac 2007 et 2016
  • 2005 : Vercingétorix
  • 2003 : « L’Origine du christianisme » (série co-réalisée avec Gérard Mordillat)
  • 2002 : « Les Hommes oubliés de la Vallée des Rois »
  • 1997-1998 : « Corpus christi » (série co-réalisée avec Gérard Mordillat) – Sélection thématique, Pessac 1997

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