Pionnière de son époque, Karen Blixen est aujourd’hui considérée comme un très grand écrivain du XXe siècle. Du Danemark, son pays d’origine puis d’écriture, au Kenya, son pays adoptif où elle vivra dix-sept ans, elle va connaître un destin hors norme.
Elle se révèlera en Afrique, ce continent qu’elle aime d’un amour profond, lieu de ses plus grandes joies comme de ses plus grandes peines, pour finalement revenir à son point de départ, la maison familiale où elle apaisera ses douleurs par l’écriture.
“Personne n’a payé plus cher que moi son entrée en littérature“. C’est dans les lumières du nord de son Danemark natal qu’elle écrira son oeuvre la plus célèbre « La Ferme africaine », adaptée au cinéma en 1986 par Sydney Pollack, avec Robert Redford et Meryl Streep et qui connaîtra un succès mondial sous le titre « Out of Africa ».
La réalisatrice, Elisabeth Kapnist, retrace dans ce film la vie de cette femme extraordinaire, aventurière audacieuse et conteuse digne d’une Shéhérazade des temps modernes.
À contre-courant du colonialisme ambiant, elle raconte une Afrique intime sur le chemin d’une inévitable émancipation. Par son destin et sa littérature, Karen Blixen délivre surtout une expérience de résilience : “Personne n’a payé plus cher que moi son entrée en littérature”.
L’AVIS DE TÉLÉRAMA
Pour connaître Karen Blixen (1885-1962), il ne faut pas la chercher dans « La Ferme africaine, » mais dans ses contes, explique sa biographe Judith Thurman devant la caméra d’Elisabeth Kapnist, auteure de ce très beau documentaire qui, dans un même geste, retrace la vie de l’écrivaine danoise et sonde le mystère de son inspiration, les tréfonds secrets et opulents du creuset mental où ont infusé les histoires fantastiques, poétiques, gothiques ou mélancoliques de la « Shéhérazade scandinave ».
« Il était une fois, au royaume du Danemark, une petite fille prénommée Karen… » Le film lui-même commence comme un conte, dans le décor doux et figé de la maison familiale de Rungstedlund – où Blixen est née, où elle mourut, où elle est enterrée –, pour se déployer ensuite comme un roman d’aventures en territoire africain (1914-1931), avant de renouer avec l’intimité danoise pour dérouler les années proprement créatives de l’écrivaine.
La qualité du choix des extraits lus, puisés au corpus de ses fictions et dans sa correspondance, est soulignée et exhaussée par la somptuosité discrète des images : paysages africains en majesté, vastes et pâles ciels scandinaves, intérieurs danois silencieux et profonds comme des toiles de Vilhelm Hammershøi…
Extrait de l’article de Nathalie Crom, Télérama, 2 janvier 2018.
Élisabeth Kapnist est réalisatrice et auteure de films documentaires et membre fondatrice des Ateliers Varan, centre de formation au cinéma documentaire.
Son travail et ses films portent notamment sur le cinéma (« Luchino Visconti, entre vérité et passion », 2016 ; « Orson Welles, autopsie d’une légende », 2015, sélectionné au festival de Cannes « Cannes Classics »), la psychanalyse (« »Jacques Lacan, la psychanalyse réinventée », 2001, écrit avec Elisabeth Roudinesco…) ou des figures féminines (« Céleste et Monsieur Proust », 2021 ; « Neuf femmes aux marches du Palais », 2019 ; « Karen Blixen, le songe d’une nuit africaine », 2018 ; « Carolyn Carlson, le regard du geste », 2010 ; « Sœur Emmanuelle, le cœur et l’esprit », 2007…).
Elisabeth Kapnist, documentariste, à propos de son film « Karen Blixen, le songe d’une nuit africaine »
Écouter l’interview réalisée par Patricia Martin, France Inter, 7 mn, dimanche 7 janvier 2018
« C’est à l’âge mûr, dans la solitude de la demeure familiale qu’elle a dû regagner faute d’argent, que Karen Blixen a commencé à écrire. L’aventurière et amoureuse des grands espaces, désormais auteure fantasque et mondialement connue, réinvente alors sa vie pour se changer peu à peu en monstre sacré. Tourné dans les deux maisons magnifiques qui furent ses ports d’attache, aujourd’hui transformées en musées, ce documentaire retrace la métamorphose de Karen Blixen en écrivaine.
Construit autour de ses carnets de voyage, ses dessins, ses correspondances, ses photographies du Kenya et du Danemark, il revisite son destin follement romanesque, explorant notre rapport à l’exotisme, au sentiment d’appartenance et à la résilience. Une évocation puissante et émouvante, à la mesure de l’œuvre et de son auteure. »
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