Rose a 29 ans et un projet : quitter la France pour « retourner en Noirie ». Quand Matthieu Bareyre, l’un de ses plus proches amis, lui propose de faire un film avec elle inspiré de son journal intime, ils y voient l’occasion rêvée d’exorciser quelques démons.
En avril 2016, Matthieu Bareyre rencontre Rose-Marie Ayoko Folly sur la place de la République. Il y tourne son premier long métrage documentaire « L’Époque » dont elle deviendra la figure centrale. Quelques années plus tard, lorsque le Théâtre de La Commune d’Aubervilliers l’invite à créer une Pièce d’actualité, le réalisateur choisit de faire le portrait filmique de cette jeune femme, entretemps devenue l’une de ses plus proches amies.
Avec pour point de départ les carnets intimes de Rose, le film suit au jour le jour une amitié qui se construit autant dans l’échange que dans le clash, et qui est hantée par les démons que les deux amis cherchent à exorciser, l’héritage raciste et colonial de la France, la bipolarité de Rose son « pet-au-casque », les blessures de l’enfance. Le « nwar » du titre, emprunté au rappeur Damso, renvoie ici autant aux stigmates de la race et de la folie qu’à la face sombre, inavouable et honteuse d’une histoire collective douloureuse marquée par la violence et que le film va s’attacher à faire lentement remonter à la surface.
Suivant au jour le jour les humeurs de Rose et, en contrepoint de Matthieu, le montage croise les formes du journal et de la conversation, de la voix off et du cinéma direct, du poème musical et de l’archive familiale, du Scope et de l’iPhone, pour s’approcher le plus près possible de ce qu’une amitié entre une femme noire et un homme blanc peut révéler de la France d’aujourd’hui.
En avril 2016, Matthieu Bareyre rencontre Rose-Marie Ayoko Folly sur la Place de la République. Il y tourne son premier long métrage documentaire L’Époque dont elle deviendra la figure centrale. Quelques années plus tard, lorsque le Théâtre de La Commune d’Aubervilliers l’invite à créer une Pièce d’actualité, le réalisateur choisit de faire le portrait filmique de cette jeune femme, entretemps devenue l’une de ses plus proches amies. Avec pour point de départ les carnets intimes de Rose, le film suit au jour le jour une amitié qui se construit autant dans l’échange que dans le clash, et qui est hantée par les démons que les deux amis cherchent à exorciser, l’héritage raciste et colonial de la France, la bipolarité de Rose son « pet-au-casque », les blessures de l’enfance. Le « nwar » du titre, emprunté au rappeur Damso, renvoie ici autant aux stigmates de la race et de la folie qu’à la face sombre, inavouable et honteuse d’une histoire collective douloureuse marquée par la violence et que le film va s’attacher à faire lentement remonter à la surface.
Suivant au jour le jour les humeurs de Rose et, en contrepoint de Matthieu, le montage croise les formes du journal et de la conversation, de la voix off et du cinéma direct, du poème musical et de l’archive familiale, du Scope et de l’iPhone, pour s’approcher le plus près possible de ce qu’une amitié entre une femme noire et un homme blanc peut révéler de la France d’aujourd’hui.
Ce film est une bourrasque à l’instar de Rose-Marie Ayoko Folly, co-autrice du film et personnage central de ce portrait. Matthieu Bareyre l’a rencontrée en 2016, place de la République, à Paris, pendant le tournage de « L’Époque », une œuvre sur le mouvement Nuit debout, dont Rose est devenue rapidement l’une des figures. Comme dans un spin-off, Matthieu centre son nouveau projet exclusivement sur la jeune femme. Elle se présente “façon BFM” avec un sens aigu de la punchline, de la caricature et du second degré : ”Madame Rose-Marie Ayoko Folly, jeune toxicomane de luxe et bipolaire à tendance très maniaque agresse des officiers de police dans ses épisodes maniaques”.
Rose va bel et bien nous parler, et ce, de manière très directe, de sa santé mentale, de son passé et du racisme en France, les trois lui causant amertume et souffrance. Vaste programme concentré dans un portrait éclatant et percutant.
Dans un flot quasi ininterrompu de parole, Rose s’adresse à nous spectateurs, aux Français, aux Blancs, ceux qui l’ont trahi et déçue. Ce faisant, elle transmet aussi ses élans, son goût des mots, du rap (Damso, Bouba) et de la littérature (Audre Lorde…). Elle parle et clashe tout le temps, avec tout le monde, et surtout avec Matthieu, caché derrière sa caméra ou son téléphone, réceptacle de sa parole servant à la fois de punching ball et de soutien indéfectible. Par souci de réciprocité, ce dernier se dévoile à son tour en soulignant leurs différences de genre, de classe sociale, d’éducation et … de couleur de peau.
Rose est fatiguée. D‘être constamment en colère et de combattre les contradictions d’une République qui se voudrait apaisée mais renie son multiculturalisme et son passé colonial. Son irrépressible vitalité conduit le portrait parfois jusqu’à d’incandescents états de grâce. Amis malgré tout ce qui les sépare, Rose et Matthieu s’entraident à trouver de la lumière dans le marasme de l’époque.
ENTRETIEN AVEC MATTHIEU BAREYRE (EXTRAITS)
E.C : On quitte Rose dans la nuit de « L’Époque » et dans ce film-ci, tu choisis de la filmer dans une lumière puissante.
MB : Quand « L’Époque » est sorti, beaucoup ont été frappés et émus par Rose, se sont identifiés à elle. La mise en scène et le montage l’avaient construite comme un personnage à part, une sorte de Pythie avec une parole à la fois poétique et politique qui a beaucoup fasciné. Dans « L’Époque », elle existe très fortement mais dans une dimension quasi-allégorique. Disons qu’en sortant de ce film, tout le monde a l’impression d’avoir rencontré Rose, mais personne ne peut dire quoi que ce soit de précis sur sa vie. À la sortie du film, elle est devenue une figure, des gens la reconnaissaient dans la rue à Paris, l’arrêtaient pour lui parler, la remercier. C’était très gratifiant, et même grisant, mais ça finissait par l’enfermer dans une image : la vie de Rose n’était pas toujours rose et j’ai senti qu’elle avait envie de l’assumer, de pouvoir dire « en fait je suis aussi ça et c’est parfois plus sombre que tout ce que vous pouvez imaginer ».
C’est le sens du « nwar » dans le titre du film qui est emprunté au rappeur Damso. Le nwar, ce n’est pas juste la question raciale, c’est aussi la question morale, tout ce qui est inavouable, qui peut paraître honteux, c’est la colère, c’est la violence, c’est tout ce que normalement on n’assume pas publiquement. Autant elle avait été dans « L’Époque » une lumière qui éclairait la nuit, autant elle allait être une puissance sombre dans un film fait entièrement de jour.
E.C : On sent l’enjeu de « faire la lumière » sur Rose autant que pour Rose, en lui donnant accès à une image manquante, celle de l’état second de sa maladie. Mais en s’ouvrant sur cette séquence de crise aiguë, le film pose d’emblée une question morale : jusqu’où peut-on filmer et montrer ?
MB : En tant que cinéaste, j’avais tendance à accumuler, à classer par date et à n’avoir finalement d’autre mémoire que celle de mes images. Pour Rose, de par sa vie ponctuée de crises et d’hospitalisations, il y avait comme des trous, des moments de black-out et je sentais que ma capacité à retenir le temps était pour elle la garantie de pouvoir s’y retrouver un peu dans son propre passé puisque je finissais par connaître très bien la chronologie des événements et que je pouvais lui rappeler des choses de sa propre vie.
La crise sur laquelle s’ouvre le film n’était évidemment pas prévue et, quand je l’ai enregistrée, ce n’était pas du tout dans l’idée de l’utiliser pour le film.
Sur le moment, je me suis dit que ça nous permettrait d’avoir un référent commun et de pouvoir en reparler ensemble parce que je n’étais pas juste réalisateur, j’étais son ami mais aussi son référent psychiatrique, donc la personne habilitée par elle et par l’équipe médicale qui la suit à lui dire quand je considère qu’elle est dans un état inhabituel. C’est une position délicate. Il est impossible d’échanger dans ces moments-là, et difficile d’en reparler a posteriori, l’après-crise s’accompagnant souvent d’une amnésie.
C’est seulement au montage que j’ai décidé de l’utiliser parce qu’il m’a semblé impensable – à moins de considérer que le film ne soit que la réalisation d’un programme et plus vraiment un documentaire – de faire l’impasse sur la crise et tout ce qu’elle avait entraîné avec elle. Pour autant, il était hors de question de créer une forme de suspense sur son état et j’ai fini par comprendre que le seul emplacement possible était au début pour lever toute ambiguïté.
Le processus du montage a duré un an, et je crois qu’il a consisté principalement à assumer ces choix difficiles. J’ai monté le film avec Isabelle Proust puis Rodolphe Molla dans un dialogue permanent avec Rose. Régulièrement, quand je créais de nouvelles séquences, je lui envoyais un export ou elle passait chez moi pour jeter un œil.
Avec elle, pas de discussions interminables, les choses sont simples : soit c’est validé, soit ça ne l’est pas. Je lui donnais mon point de vue, mais le choix des rushes lui appartenait. Elle était très respectueuse des agencements que je pouvais faire, très curieuse même, mais ça influençait assez peu l’idée qu’elle se faisait d’une image.
Entretien réalisé par Elsa Charbit. Lire / télécharger la version intégrale dans le dossier de presse (PDF)
Matthieu Bareyre, né en 1986, est auteur, réalisateur, cadreur et monteur de cinéma. Au cinéma, il explore l’inconscient de notre époque de façon documentaire :
En 2015, il sort son premier film, « Nocturnes », présenté en compétition au Festival du Moyen-métrage de Brives ainsi qu’au Cinéma du Réel où il remporte le Prix du Patrimoine et de l’immatériel
En 2019, sort en salle « L’Époque, son premier long-métrage », une traversée nocturne aux côtés de jeunes entre les attentats de 2015 à Paris et l’élection présidentielle de 2017. Prix du meilleur premier film du Syndicat français de la critique, « L’Époque » a reçu une mention spéciale au festival de Locarno où le film a été présenté en première mondiale et a été remarqué dans plusieurs festivals dont le Festival Premiers Plans d’Angers, le Festival du film européen de Séville et le BFI de Londres.
Au théâtre, Matthieu Bareyre collabore depuis ses débuts à l’écriture, à la mise en scène et au casting des spectacles de Marion Siéfert, en particulier « DU SALE ! », « _jeanne_dark_ » et plus récemment, « Daddy », pièce créée au Cndc d’Angers et au théâtre de l’Odéon. Depuis 2024, ils sont ensemble artistes associés au T2G, CDN de Gennevilliers et à Points-Communs, Scène nationale de Cergy-Pontoise. En avril 2025, ils présentent au Théâtre de Gennevilliers « Siéfert-Bareyre Connexions », une exposition commune qui mêle spectacles, films, textes, archives et photographies.
Ils préparent actuellement ensemble l’écriture d’un long-métrage de fiction.
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