D’après Blanche-Neige hérite à la fois de la pièce de Robert Walser et du film de Joao Cesar Monteiro, son adaptation culte car désertée par l’image. Le dispositif de Hugues Decointet est l’écho de ce premier dialogue : en split screen ou image plein écran, il alterne répétitions, brèves archives où le cinéaste portugais justifie sa démarche sibylline, et le témoignage du comédien Hugues Quester, victime collatérale de ce passage au noir.
Tout texte théâtral appelle par nature une représentation scénique. Quand il adapte Blanche-Neige de Walser, Monteiro redouble cet appel et choisit de se passer d’images, car « l’image, nous apprend-il dans les quelques archives présentées ici, était trop dramatique pour lui permettre la lumière. » L’à-représenter du théâtre, désormais inscrit sur l’écran noir d’un cinéma, fraie dès lors avec un irreprésentable. Le spectateur du film est ainsi contraint de produire ses images propres, sans leur ôter pourtant l’obscurité qu’y inscrit Monteiro – ce « non » énigmatique qu’il oppose au « oui » de Blanche-Neige. Le geste de Decointet par conséquent est risqué. Car le film-source invite la production de ses images perdues autant qu’il la décourage. En ce sens le choix de filmer des lectures-répétitions semble justifié, comme une option qu’eut pu choisir Monteiro lui-même. Au risque d’entendre Walser plus que Monteiro, dont la référence menace toujours de se dissoudre.
(Mathieu Capel)