Pour les uns, c’est une institution essentielle et incontournable ; pour les autres un monstre bureaucratique et inefficace. Comment fonctionne notre Europe, dont les mécanismes apparaissent souvent bien opaques ?
Entre Bruxelles et Strasbourg, une véritable immersion en cinéma direct dans les coulisses du Parlement européen, avec des parlementaires, des conseillers, des fonctionnaires, des interprètes que l’on suit dans les couloirs, les ascenseurs, les salles de réunion…et des réponses aux questions que nous, citoyens, nous posons sur ce monde « obscur » – ou en tout cas perçu comme tel.
“Un documentaire détonant sur les coulisses du Parlement européen.” (Le Soir)
Olivier Malvoisin: « Je veux redonner des lettres de noblesses au mot politique »
— extrait de l’article de Lorraine Kihl et de l’entretien avec Olivier Malvoisin, Le Soir, 18 mai 2024
Avec « Looking for Europe », le réalisateur signe un documentaire détonant sur le Parlement européen.
Pendant trois ans, la Troïka (l’entité composée de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI) a imposé une politique d’austérité drastique aux pays les plus touchés par la crise de la dette : la Grèce, l’Irlande, le Portugal et Chypre, redessinant le paysage social et économique européen, sans jamais avoir à rendre compte de sa politique. A l’automne 2013, elle doit pour la première fois justifier de ses choix devant une instance démocratique : le Parlement européen.
Le réalisateur de « Fini de rire », Olivier Malvoisin, a suivi pendant toute cette période les acteurs du Parlement européen. Son documentaire, « Looking for Europe » est une plongée à huis clos et en caméra directe : sans commentaire, ni interview. Une entrée originale dans une institution, finalement méconnue, à quelques mois des élections européennes.
« Il ne s’agissait pas de tenir un discours hystérique pro-européen, ni de faire un énième sujet sur une administration ankylosée, mais de montrer qu’il y a un endroit où la démocratie est possible, même si ce n’est pas tout le temps, même si ce n’est pas parfait », explique le documentariste.
Ce fut d’abord des heures de négociations pour accéder à chaque interlocuteur, à chaque salle, raconte Dominique Henry, le chef opérateur du film : « Olivier n’a pas lâché le morceau. C’est une personnalité forte, qui sait se montrer convaincant. Et puis il vient du sérail, il connaît les codes. » Les codes ? Le parcours peu commun du réalisateur commence au gouvernement belge, où il a travaillé plusieurs années comme jeune conseiller ministériel. A 25 ans, fatigué des discours qu’il écrit pour d’autres, il lâche la politique pour raconter ses propres histoires… et pour mieux y revenir plus de dix ans plus tard.
« Les gens nous prenaient pour des fous »
Jour après jour la petite équipe suit les acteurs du Parlement : du cuisinier au président de l’institution (les scènes avec Martin Schulz seront finalement coupées au montage) en passant évidemment par les députés et leurs conseillers. La figure de l’assistant parlementaire, opérateur de l’ombre, c’est un peu de lui ? « Non… J’ai effectivement gardé une forte affection pour ces métiers de l’ombre. Mais je n’avais pas l’ambition par exemple du personnage que l’on suit. »
« Au départ les gens nous prenaient pour des fous. Ils ne comprenaient pas ce que l’on voulait à venir filmer des heures et des heures de réunion, à les suivre partout. Et puis le temps a payé, les gens ont compris qu’il y avait quelque chose de sincère dans notre démarche et ont peu à peu oublié la caméra. » En refusant l’interview, le réalisateur sort les politiques d’un terrain trop balisé et s’affranchit des discours rodés et de la langue de bois.
« C’était parfois fatigant de tourner et tourner sans relâche, on s’est retrouvé avec une centaine d’heures de rush. Mais ça nous a permis de trouver les étincelles, des moments de réalité qui auraient été impossibles autrement. »
Parler de politique en montrant les hommes, leurs failles
« Le pari, c’est de raconter le Parlement non pas par les dossiers mais par l’humain. Montrer les hommes, leurs failles. »Et c’est aussi l’enjeu de ce huis clos : que font les députés de leurs idéaux, de l’intérêt général, une fois qu’ils se retrouvent littéralement prisonniers de l’institution et de ses rouages ?
« Je veux redonner des lettres de noblesse au mot politique… Même si cela consiste souvent en arrangements et compromis. On manigance parfois mais pour un but qui dépasse sa petite personne. »

À propos de Marine de Lassalle, professeure de sociologie politique à Sciences Po Strasbourg et Laboratoire SAGE (CNRS -Université de Strasbourg)
Fondé sur le réexamen d’un matériau constitué au mitan des années 2000, ce livre a une triple ambition : articuler une analyse des rapports à l’Europe de « citoyens » ordinaires en les imbriquant dans leurs existences sociales et leurs rapports au politique ; proposer une analyse de la construction institutionnelle des rapports au politique en les décalant quelque peu des analyses de la sociologie de la compétence politique ; poursuivre une réflexion méthodologique sur le statut des entretiens dans les enquêtes qualitatives sur l’opinion.
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