Nader T. Homayoun convoque les grands témoins du siècle du cinéma iranien, cinéastes, critiques et responsables institutionnels, dont les discours s’intègrent dans un appareil critique imposant : images d’archives et extraits de films découvrent une large perspective sur les bouleversements socio-politiques du pays, de la monarchie du Shah à la République islamique, sans oublier le conflit contre l’Irak.
En 1933, Hadji Agha, acteur de cinéma, premier long métrage iranien, fait l’apologie d’un médium considéré avec méfiance par les musulmans les plus fervents. En 1979, les salles de projection figurent parmi les premières cibles du peuple révolté. D’un bout à l’autre du siècle, la position du cinéma n’a donc jamais été acquise face à une doxa religieuse iconoclaste. Pour Mohsen Makhmalbaf, c’est précisément l’absence culturelle d’images, au profit du poème, qui a permis au cinéma iranien de définir sa spécificité : son rythme, ses espaces et ses silences, dont Kiarostami est aujourd’hui le héraut reconnu. D’autres cinéastes offrent une vision plus nuancée : Massud Kimiaï, Dariush Mehrjuï, Fereydoun Goleh, Amir Naderi ou Farrokh Ghaffary montrent que les œuvres les plus décisives, du Sud de la ville (1958) à Un Simple Événement (1973), sont plutôt nées de la résistance qu’ils ont opposée aux censures et propagandes du système monarchique, puis de la République islamique.
(Mathieu Capel)